SWORD 14

41 9 1
                                    

Erebe avait perdu toute contenance, il me regardait avec un tel effarement que le silence qui s'était instauré devenait une éternité, Evan se racla la gorge :

- Votre Majesté. La lady affirme qu'elle est la fille du Duc Hemera.

- Effectivement. Je souhaite donc être reconnue et demander la transmission officielle du titre. Je veux les droits et les obligations allant avec la position du Duc.

L'utilisation du verbe vouloir, est perçue comme exigence et c'est le cas. Je peux aisément deviner qu'ils n'apprécient que peu ma manière de faire. Mais ce n'est pas mon problème.

Je détache le fermoir de la chaîne et dépose le bijou devant le chef de cet état que j'admirais avec ferveur. Et pourtant en le voyant pantois, quelque chose semble avoir changé en lui, en moi. Peut-être en nous deux. Et ce coeur muet, qui habite ma poitrine, me lance encore, me rappelant que je souffre d'un mal qui n'est pas physique.

Après tout, je suis en face d'un homme qui a ordonné de me tuer, et d'un autre qui a exécuté l'ordre.

Il ne daigne même pas regarder l'objet faisant foi de mon identité, ses yeux sombres dénotent de ses cheveux semblables à de l'or. Il souffle :

- Veuillez tous sortir, je dois m'entretenir avec Lady ... Hemera en privé. Général Anemoi, faîtes savoir que je ne suis pas disponible, après tout l'Empire peut bien accorder une audience d'urgence à un membre de la famille Hemera.

Le major d'homme qui s'était fait discret jusqu'à présent, acquiesça et prit congé ainsi qu'Evan. Je n'avais pas encre obtenu une cérémonie de succession, mais le fait que le Prince reconnaisse mon affiliation était suffisant pour l'instant. Surtout pour étouffer de possibles rumeurs sur une mascarade que j'aurais pu mettre en oeuvre, ce qui n'est pas un mensonge non plus. Je dois me méfier des ragots et de la réputation que tous voudront me coller sur le dos, telle une cible en pleine partie de chasse. Car au final, voilà bien l'activité préférée de ces gens. Et je ne participerais pas tant que cela n'affecte pas ma couverture, quelle mascarade ridicule.

- Que fais-tu là ?

- Sommes-nous assez proches pour que vous puissiez être familier ?

- Arrête ton petit jeu ! Merde.

Il cacha son visage entre ses mains, il était dépassé par la situation et il n'avait plus rien du digne héritier de la couronne. Il avait l'air simplement d'être un enfant terrifié devant un monstre issu de ses cauchemars. Peut-être que si nous étions quelques mois plus tôt, je serais venu le réconforter, mais je ne sens qu'une chaleur discrète, mais prête à ravager tout sur son passage en le voyant ainsi. Comment pourrais-je lui dire que je réglerai chaque obstacle, lorsque j'en suis devenue un.

- N'est ce pas vous qui m'avez dit que j'aurais dû profiter de ma présumée mort pour recommencer une nouvelle vie ?

- Pourquoi toujours revenir ici ?

- Posez-vous la question votre Altesse. Vous avez dressé un volatile dont la signification est présage de la mort mais aussi réputé pour être un animal loyal. Je ne connais donc qu'un seul chemin.

- Tu devrais être morte.

Cette phrase est dite tel un murmure, une brise glaciale et j'en sens mon corps trembler en entendant cela, elle résonne comme une prière. Je ne m'attendais pas à ce qu'il saute de joie à mon retour sous une nouvelle appartenance, je ne m'attendais à rien et pourtant, je ne peux pas empêcher tout mon for intérieur hurler. Je n'ai jamais attendu de reconnaissance, car il s'agissait de mon devoir, mais ai-je mérité d'être traitée ainsi ?

- Vous avez fait de moi une arme, un outil, je ne puis mourir si aisément.

- Je suis tellement désolé ...

Il fixe ses mains jointes, observant par la même occasion le sol, évitant soigneusement mon visage. Je n'ai peut-être pas trouvé le chemin de la tombe ou d'un fossé puant, mais il agit comme tel. Je me penche légèrement, attrapant son menton en coupe d'une main, enserrant ses joues entre mes doigts :

- Ether. Je m'appelle Ether Hemera.

Son regard change, ce n'est plus celui de quelqu'un pris au dépourvu et incapable d'assimiler l'information, il gronde :

- Que crois-tu faire ? C'est un outrage à l'Empire !

Pourtant, il ne cherche pas à se défaire de ma prise et je ricane devant ses mots sans actions, un peu comme toujours. Il ne se salit pas les mains, il ordonne pendant que les autres souillent leur âme. Il est facile d'être un héros quand on n'est pas celui qui ôte la vie.

- Si tu me veux morte, alors assure toi que ce soit ta propre épée, tenue de ta main qui me transperce le sternum.

Je le relâche et le toise alors qu'il est encore assis sur le canapé.

- Qu'est-ce que tu veux ?

- Je ne sais pas encore, mais votre Altesse, puissiez-vous m'accorder la possibilité de trouver ce que je souhaite ?

J'avais repris les formules de politesse et je m'étais réinstallée confortablement assise face au descendant Nychta. Ce dernier passa une main sur son front :

- Demain soir, j'effectuerai la cérémonie de passation. Je suppose que tu n'as nul part où aller, alors je vais te faire préparer des quartiers. Et le général Anemoi sera ton garde du corps le temps de ton séjour ici. Est-ce que je peux te demander comment ...

- Je ne pense pas avoir à répondre à ce genre de questions. À moins que cela ne soit un ordre du futur empereur ?

- Est-ce que tu me tiens rigueur de ce qu'il s'est passé ?

La demande est trop tardive, l'inquiétude ne me concerne pas, il a simplement peur que je ruine ce qu'il a établi.

- Est-ce que vous avez envisagé que je puisse vous trahir ?

- Par pitié, après demain soir, je ne veux plus vous revoir.

- Ma vue, vous est-elle insupportable ? Bien, vous savez ce qu'ont ressenti mes victimes.

Après cette conversation des plus calme au vu du contexte, je fus escortée par Evan, au travers des allées extérieures du Palais afin de gagner l'aile réservée aux invités.

Il marchait de deux pas en arrière, son ombre dans mon dos, et je ne saurais dire s'il s'agissait d'une présence censée me protéger ou bien de me dissuader de toute tentative stupide. Assez ridicule s'il s'agit de la première option. Je pourrais très bien l'égorger et cacher son cadavre avant même qu'il ne cligne des yeux, aucun chevalier ici ne pourrait rivaliser avec moi.

À moins qu'Erebe n'attende de son général qu'il reconnaisse son ancien maître d'épée et qu'il ne me dénonce comme étant la traîtresse de cette nation.

- Lady Hemera ...

Le vent souffle et quelques pétales de fleurs d'arbres fruitiers virevoltent, signe de l'arrivée du doux printemps et de la renaissance. Je m'arrête de marcher, lui faisant comprendre que je l'ai entendu, mais ne me tourne pas vers le chevalier. Il continue :

- Je suis heureux de vous revoir ici.

BUILD A VILLAIN - ENCOURSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant