SWORD 51

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Que c'est ironique, d'envoyer une délégation dans le nord pour me demander de revenir à la capitale, s'attend-il vraiment que je revienne au moindre sifflement de sa part ? J'ai bien connaissance de la situation critique, de l'ingérance d'Erebe face à la ruine de l'Empire. Et s'il continue ainsi, je n'aurai rien à faire pour voir tout ce que je déteste s'effondrer comme un château de carte emporté par le vent.

Ne serait-il pas un signal fort que de ne pas répondre à la demande du futur empereur ? Ainsi Borée revendiquerait un certain abandon et même si je n'ai plus d'armées comme l'avait la famille Hemera, il est indéniable qu'un duché manquant à l'appel serait une faiblesse incommensurable.

- Dîtes à votre Maître, que s'il ose encore envoyer un messager ici, il ne reverra que les pieds coupés de ce dernier.

L'homme chargé de la commission déglutissa avec peine et s'inclina presque à en frotter son menton contre le sol. Il tenta de garder le même ton de voix neutre mais je pouvais sentir la vibration plus faible de ses cordes vocales :

- Je ne puis repartir sans une réponse, votre Grâce.

Un des gardes saisissa le bras du courtier, le tirant sèchement vers la sortie du salon de réception. Je ne menaçais jamais, je ne faisais que que prédire l'avenir. Alors sous les cris du futur muet, il fut emmené à l'extérieur pour que sa sentence soit appliquée. Il avait eu un avertissement, il a décidé de rester ici pour tenter de me convaincre d'obéir à des ordres venant d'un souverain que je ne reconnais pas.

- Faîtes un paquet cadeau pour transporter les restes. Préparez mes affaires, je vais à la capitale.

A croire que je ne faisais que tourner en rond, allant et venant entre le palais et le duché. A croire que je ne faisais que tourner en rond, allant et venant entre mon ancienne loyauté et la haine que je possède maintenant. Je ne suis pas assez émotive pour me rappeler que j'ai pu porter de douces émotions à son égard. Et je me répète, est-ce que je cherche à me convaincre ? Non, j'en suis persuadée. J'ai pris la décision de ne pas simplement oublier comme il l'a fait quand il a pris sa propre décision.

- Ether, vous n'allez quand même partir ployer le genou devant ce crétin ?

- Qui a dit que j'obéissais ? Alastor, vous me sous-estimez.

- Au contraire, j'ai toujours tendance à croire les autres plus intelligents, plus forts, plus capables et compétents qu'ils ne le sont réellement. C'est comme ça que je suis resté au sommet.

- Général Anemoi, vous venez avec moi.

Le départ fut rapide, les affaire avaient été réduites au minimum. La seule chose qui interpellait, était le traîneau lesté à l'arrière d'une monture. Fermement accroché, c'était le seul bien que je voulais réellement apporter au futur empereur.

- Duchesse, que comptez-vous faire ?

- Marquer l'histoire.

La neige tombait, ne laissant jamais le manteau d'hiver diminuer dans la région. Il allait devenir urgent d'établir une solution pour l'agriculture afin d'assurer l'indépendance du duché. Je pourrais très bien commissionner le mage sur cette question. Pour une fois, il apprendra à créer quelque chose plutôt que de tout détruire.

Il serait peut être plus impactant d'arriver en ville, avec des guerriers, une armée, une suite avec des étendards verts flottant fièrement. Cependant je n'ai pas besoin de parader. Cela viendra plus tard, lors que j'obtiendrais la colère des habitants pour la diriger vers celui qui les a sauvé. Car la mort peut être plus agréable que l'agonisation de la vie.

Arriver aux milieux des nobles réunis dans la salle du trône sans me faire annoncer, suffit déjà à offusquer les bonnes gens.

Je jette le lourd présent enroulé dans plusieurs draps sales, les gardes sortent leur arme. Et Evan en fait de même, passant devant moi comme s'il pouvait affronter la garde rapprochée de la famille impériale à lui seul. Cependant voir leur ancien commandant tourner sa lame vers eux, d'anciens subordonnés les fait hésiter. Leur expression faciale témoignant de leur confusion.

- Qu'est-ce que tout cela signifie Duchesse ?!

Erebe est furieux, d'un geste de la main, il demande à découvrir ce que j'ai bien pu amener avec moi. Le moins peureux se dirige avec précaution vers le colis, ses pas sont hésitants et son dos est reculé par rapport à son bassin comme si allait pouvoir retarder le moment où il découvrirait peut être une chose affreuse.

Je ne peux m'empêcher d'avoir un sourire narquois au coin des lèvres :

- Vous m'avez fait demandé votre Altesse. Mais je ne viens pas répondre à vos ordres. Borée ne doit rien à cet Empire. Au contraire, il me semble que vous avez une dette envers ma famille.

Le teint livide, une veine bleu qui court le long de son cou ressort, son poul s'emballe et je sais bien qu'il a envie de me crier que je n'en fais pas partie, que je devrais aller au Diable mais à ce moment là il devrait révéler la vérité. Mais est-ce qu'elle la ferait vraiment sombrer ? En tout cas, son image serait entachée.

Un cri d'horreur se fait unanime alors que j'entends une femme demander ce qui se passe à son époux. Sa cécité l'empêchant d'admirer le spectacle. 

- Votre messager a été insistant et voici donc ma réponse. Elle est négative.

Le corps froid n'est en rien choquant mais le sang éclabousse son visage, empêchant presque de voir la mâchoire brisée par les coups. Mais le détail qui me tient à coeur est les deux pieds tranchés reposant contre son torse afin qu'ils soient bien visibles. Pourquoi ? Car s'ils savent trouver l'entrée de ma demeure, ils ne peuvent en ressortir débout sur leurs jambes. Un peu d'impact visuel pour égayer la journée.

- Elle n'a pas sa place ici. Après tout, dans une bétaillère, ne rentre que les animaux. Pas les monstres.

Quel commentaire désagréable venant d'un spectateur.

- Duchesse ! Vous outrepasser vos droits ! Cela peut être considéré et cela sera considéré comme rébellion !

- Vous ne comprenez pas votre Majesté, les Héméra protégeaient les frontières pour les gens. Pas pour vous, pas pour la couronne. Et maintenant que vous faiblissez dans votre rôle. Je ne vois pas l'intérêt de soutenir un Prince qui organise des banquets pour distraire de la misère le peuple.  Je ne protégerai pas un Prince, qui cache la faiblesse de l'Empereur, un Prince qui croit que se fiancer à la Sainte lui portera les faveurs de Eole.

- Taisez vous !

Je m'incline comme le veut l'étiquette :

- Que le vent vous guide votre imminence, car vous me semblez bien égaré.

BUILD A VILLAIN - ENCOURSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant