SWORD 19

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Je ne fus que peu surprise en découvrant sur le terrain d'entraînement, Evan. Il s'inclina respectueusement à mon arrivée. Nous étions seuls alors que l'aube peinait à se montrer et que l'air humide de la nuit flottait tout autour de nous.

Je fis rouler mes épaules, malgré les soins apportés par la magie, ne laissant aucune trace des différentes lésions dans mes muscles et organes, mon corps agissait comme s'il était meurtri, me demandant de prêter attention à mes mouvements.

Il se positionna, sa garde défensive n'était pas commune, pour cause, c'est celle que j'utilise et que l'on n'enseigne pas aux gardes et aux chevaliers. Le second fils Anemoi a suivi un entraînement particulier et rude, bien évidemment mon nom ne fut jamais évoqué, personne ne connaît le maître qui a partagé ses connaissances avec ce disciple.

Le risque aurait pu être qu'une personne que j'ai combattu reconnaisse ma signature à travers les gestes du général. Mais chaque être qui s'est tenu face à moi, l'épée en main, ne pourrait pas témoigner, trop occupé par le repos éternel que je lui ai offert.

Serrant sa garde fermement, ses yeux brillaient de l'éclat de la volonté des guerriers. Je devais admettre que cela ravivait les souvenirs où il répétait inlassablement les mouvements et les enchaînements. Car il fallait que chaque geste soit automatisé, une question de survie. Le cerveau ne devait pas se demander ce qu'il devait faire, il devait agir et non pas réagir.

Je laissai tomber mon épée sur le côté et reculai mon appui de ma jambe gauche, scrutant mon adversaire pour ce duel.

- Vraiment ? Vous êtes si confiante que vous déséquilibrez la partie, Maître ?

- Je ne fais que te donner une chance de potentiellement m'égaler.

J'avais laissé tomber les usages et les politesses, je n'étais pas une Duchesse, je suis actuellement la professeure d'Evan.

À travers sa chemise blanche, je pouvais discerner les respirations régulières et lentes qu'il imposait pour ralentir son pouls. Nos regards se rencontrèrent et ils croisèrent déjà le fer avant même que l'un de nous deux entame le premier mouvement qui déclarerait l'ouverture du combat. Ses premiers mouvements étaient lents et calculés. Le général cherchait à anticiper mes attaques, tandis que je cherchais à trouver une ouverture dans la garde de mon ancien disciple.

Je fis un pas en avant et décochai un coup-de-poing rapide en direction de la tête du général. Ce dernier, grâce à son expérience, parvint à esquiver habilement le coup et riposta avec un coup de taille vers mon ventre. J'esquivai aussi, avec facilité. J'enchaînai alors avec un coup de pied rapide en direction de la jambe droite d'Evan, le faisant chanceler momentanément. Je profitai de l'occasion pour porter un coup de coude puissant à la tempe de mon adversaire, mais ce dernier parvint à parer avec son épée en bois.

Le combat s'intensifiait, les coups se faisaient plus rapides et plus violents. Le général, sachant qu'il était désavantagé, cherchait à garder une certaine distance avec moi. Un corps-à-corps direct entraînerait fatalement sa défaite.

J'avais pu évaluer son niveau et il était temps d'en finir rapidement, je me jetai sur lui et parvins à le désarmer avec un mouvement rapide de la main, avant de le plaquer au sol. Il se retrouva alors face contre terre, impuissant. Il tenta bien de se débattre, mais je pointai la lame de bois qu'il avait lâchée, contre sa trachée. Puis je la fis glisser contre son cou sans appuyer :

- Tu es mort.

Finalement, je relâchai ma prise et me relevai.

Evan, bien que vaincu, fût admiratif devant ma maîtrise, son regard enfantin le trahissant. Il se releva, salua respectueusement ma personne et déclara :

- Vous êtes une guerrière hors pair, maître. J'aurai toujours une grande admiration pour vous.

Nous étions plongés dans notre duel intense, nous ne nous étions pas rendus compte de l'arrivée discrète de plusieurs chevaliers qui avaient observé la joute de manière silencieuse. Ils avaient été sûrement attirés par le fracas des coups échangés et avaient assisté à la scène de combat.

Une fois le duel terminé, les chevaliers sortirent de leur mutisme pour saluer les deux adversaires avec des applaudissements. Quelques commentaires et murmures se firent entendre :

- L'héritage du Duché Hemera n'est pas une légende.

- Elle paraît même plus forte que son père.

- Ce n'est pas pour rien que les Hemera sont réputés pour leur force de combat.

- Une femme aussi forte, est-ce bien normal ?

- J'ai entendu des rumeurs, qui diraient que le Duc était si peiné d'avoir une fille qu'il aurait mélangé du sang de bête avec celui de l'enfant pour qu'elle puisse avoir la même force qu'un héritier mâle.

J'aurais sûrement préféré être sourde que d'entendre de telles inepties. Le général s'adressa à ses hommes :

- Messieurs, voici la Duchesse Hemera, elle succède au Duc et en reprend toutes les fonctions. Je suppose que vous souhaitez refonder la garde spéciale de votre famille.

Il posa un genou à terre et baissa la tête humblement, apposant son poing contre son poitrail, il était tout à coup très cérémonieux :

- Ce fut un honneur de croiser le fer avec vous Maître. Puisse le vent vous guider.

Ce fut comme souffler sur des braises, les brouhahas reprirent à vive allure, il venait de révéler l'identité de celle qui avait fait de lui le combattant hors pair d'aujourd'hui. Il l'avait fait délibérément, cela légitimait ma position et me rendait plus crédible aux yeux des chevaliers. En tant que dirigeante d'une garnison, en tant qu'épéiste. Et si je voulais rétablir la gloire d'une famille qui fut présumée morte pendant quelques mois, je me devais de saisir cette aide, je me tournai vers les spectateurs :

- Qui souhaite se mesurer à moi ?

Des regards longs furent échangés entre eux, et je ne pouvais pas clairement discerner s'ils craignaient d'être ridiculisés par une défaite ou s'il s'agissait d'une soi-disant bienséance envers les femmes.

Evan s'approcha d'un homme et me le désigna :

- J'ai beaucoup d'espoir sur cette recrue, et j'aimerais votre avis en ce qui concerne ses talents.

Le pauvre désigné volontaire porta ses iris sur moi, il songeait à prendre ses jambes à son cou et je pourrais presque dire que je me délectais du parfum de la peur, car c'était assez comique ici. Le général tapota l'épaule du soldat qui s'avança d'un pas et s'inclina :

- Bayu, Duchesse !

Pas de nom de famille, un roturier ? Je me contentai de hocher la tête, lui envoyant l'arme factice que j'avais toujours en main. Il la rattrapa et prit place au centre de l'arène de terre sèche.

- Général, dois-je me montrer clémente avec vos hommes ?

Mon ancien apprenti ria et s'installa sur un banc, encourageant le reste de la foule à s'asseoir aux extrémités du terrain :

- Essayez de ne pas le tuer s'il vous plaît. Prenez une épée cette fois-ci afin de leur montrer votre habile maniement.

J'attrapai une arme et me positionnai face à Bayu. Il commença avec une série de feintes, cherchant à me déstabiliser avec des mouvements rapides et imprévisibles. Cependant, je parai les coups avec facilité et contre-attaquai avec des mouvements fluides et précis. Visant ses articulations pour le ralentir. Après tout, je pouvais décider quand arrêter tout ça, alors autant faire durer un peu.

Le chevalier, ne se décourageant pas, continua à attaquer avec détermination. Il tenta plusieurs coups enchaînés, cherchant à trouver une ouverture dans ma défense. Mais je ne flanchai pas, esquivant les coups avec grâce et ripostant avec des mouvements précis et puissants.

S'il fallait divertir et démontrer ce dont j'étais capable, alors intensifions le rythme. Le chevalier se montra agressif, frappant de manière répétée dans l'espoir de me submerger, mais il m'a mal jaugé. Car il fut le premier à montrer des signes de fatigue, sa respiration devenant plus rapide et sa garde s'affaiblissait.

Il est temps de couper court à ce spectacle.

Alors qu'il tenta d'abattre son épée contre mon épaule, tenant la garde de ses deux mains, je bloquai son attaque de ma lame, le pommeau dans une seule prise, mes doigts de libre se fermèrent en un poing et je le décrochai dans sa gorge directement.

Il toussa violemment avant que son souffle ne se bloque et qu'il tombe inconscient sur le terrain. Ai-je frappé trop fort ?

Le silence total s'abattit sur le terrain, je déclarai :

- Il est simplement assommé.

BUILD A VILLAIN - ENCOURSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant