Léger

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                                                      *

J’avais froid. Je ne voulais pas sortir de mon lit, même si j'avais mal au dos, il faut dire que les plaies ne se referment pas du jour au lendemain par magie. Bizarrement je me sens beaucoup plus léger, le poids sur mon cœur...s’est envolé. J’ouvre doucement les yeux avant de les refermer aussitôt, les rayons de soleil me brûlent la rétine. L’odeur qui enivre la chambre achève de me réveiller, Samaël est assis à la table basse, en train de manger du pain, il ressemble à un enfant comme ça à en mettre partout. Je me redresse lentement en passant une main dans mes cheveux ébouriffés et récupère mes lunettes. Je jette un regard fatigué à Samaël qui semblait se retenir de rire...c’est bizarre.

                                                       *

- Qu’est-ce qu'il y a de drôle ? demande innocemment le roux un sourcil arqué.

- Je ne sais même pas ce qui est le plus drôle. Ton air fatigué ou ta tête de clown, répond-il narquoisemment.

- Attend quoi ?

Le roux s’empressa d'attraper son téléphone et d’y vérifier son reflet. Son visage était couvert de feutre noir. Des formes irrégulières et des traits diformes parcouraient sa peau. Il fusilla Samaël du regard.

- [ L’enfoiré. ] songe-t-il aussitôt.

- Ben quoi ? Tu n’apprécies pas mon œuvre d’art ? s’amuse Samaël incapable de retenir son rire.

- Oh si, elle est parfaite crois-moi, fit l'autre d'un rictus forcé.

Mathéo se leva pour prendre son propre feutre et finit par sauter sur Samaël. Il finit lui aussi par dessiner sur le visage de l’autre.

- Qu- , espèce de... je venais de prendre une douche ! s’écrit Samaël mécontent.

- Th, th, th, fit négativement Mathéo à califourchon sur lui. Laisse moi te refaire le portrait après ce que tu m’as fait, rit-il pour de bon.

S’en suivi une bagarre enfantine. La peau blanche et mate des deux camarades de chambres finirent recouvertes de traces noires en tout genre.

Quoi de mieux qu'une bonne bagarre de feutre de si bon matin. Ils s’esclaffaient tout en s’insultant, un paradoxe qui finit par faire sortir Félix de la salle de bain à cause du bruit alors que Taisuke revenait de quelques courses.

- Non mais vous avez quel âge ! gronde Taisuke d'un ton ferme.

La réprimande était dure, mais nécessaire. Il était tôt et beaucoup d'étudiants dormaient encore.

- Désolé Tai, fit Mathéo la tête baissée.

- ... scuse, marmonne Samaël.

- Vous êtes vraiment des gamins c’est pas possible, soupire Félix.

Les aînés n’eurent pas le temps de finir leur sermon, Mathéo repartait déjà dans son fou rire. Il riait tellement qu'il en pleurait. Depuis quand n'avait-il pas rit ainsi ? Les aînés restèrent perplexes, Samaël souriait, comme si c'était le moment.

- Tu ne nous aides pas vraiment là, marmonne-t-il en se penchant vers le roux.

- Pff...je sais... juste... hahaha c'est trop drôle, c'est plus fort que moi désolé, répond-il les côtes vibrantes. Si tu voyais ta tête, rit-il en regardant son camarade.

- Je te permets pas, t’as vu la tienne ? fit-il Samaël dans son hilarité.

- Bon ok il se passe quoi là ? demande Félix les mains sur les hanches.

Les garçons se calmèrent enfin. Après sa courte réflexion, Mathéo décida de fournir certaines explications. Curieux de son histoire, les aînés s'étaient installés autour de la table basse afin de discuter.

Il recommença sans oublier un seul détail. Ses parents, sa sœur, son harcèlement, sa dépression, tout. Il montra même une petite partie de son dos amoché et l’histoire avec le groupe du département qui intimidait les élèves.

Son ton était plus fluide qu'hier soir, il parlait comme si ces événements n'étaient qu'un passé lointain auquel il n'était plus rattaché.

Alors qu'il racontait sa vie le visage couvert de feutre, Samaël en profita pour aller se débarbouiller et revenir s'installer auprès de Mathéo. Il souriait en fixant le roux, il n'était pas irrité juste soulagé, il n'était pas en colère juste calme mais se retenait quand même de rire.

Les aînés passèrent un bon quart d'heure à sermonner le roux pour n'avoir rien dit sur son état de santé.

- Je sais que j’aurais dû en parler mais, ... je n'étais pas prêt. Je ne voulais pas vous effrayer avec mes problèmes.

- Dans tous les cas, je suis heureux de voir que ta situation s'améliore, confie Félix.

- En revanche, on devrait peut-être aller à l’hôpital pour ton dos non ? s’inquiète Taisuke.

- Oh non pas besoin, Samaël m’a aidé à désinfecter hier soir et...

- Il a quoi ? coupe Taisuke en dévisageant son frère. Je t'avais demandé de me mettre au courant, tu disais que tu ne savais rien et pourtant tu as-

- Haha relax je ne le savais vraiment pas avant hier, déglutit Samaël.

Son frère était remonté contre lui, ça se comprend, Taisuke avait demandé des nouvelles avant d'aller faire les courses, et Samaël n’avait rien dit. Mais bon, il voulait que Mathéo le fasse de lui-même, peut-être que c'était quelque chose de bien au final.

Après cette discussion, Mathéo devait désinfecter ses plaies. Bien sur, il n'y arriverait pas seul, donc, comme hier soir, c'est Samaël qui dut s’y coller.

Le roux se remémora de la nuit dernière, Samaël était sorti pour aller prendre des médocs puisque Mathéo avait trop mal, il l’avait vraiment fait alors qu'il se gelait.

Samaël avait prit place dans le lit du roux qui tenait fermement son tee-shirt contre son torse.

- Pourquoi tu tiens ton tee-shirt comme ça ? Je vais pas appuyer dessus, fit Samaël en étalant une substance sur le dos de l’autre.

- Peut-être pour garder un peu de chaleur, il fait super froid et j’suis torse nu crétin, répond-il le dos courbé.

- Pour un gars maigre t’es plutôt bien sculpté.

- J’ai réussi à récupérer... un peu.

Le soleil s’élevait bien haut pour un mercredi matin mais peinait à réchauffer les terres et l’air glacial de la grande ville de Fanira.

Mathéo décida d'aller voir sa sœur. Il voulait lui annoncer qu'il allait faire de son mieux pour avancer, il voulait qu'elle le sache. Il était déjà 11h30 lorsqu'il toqua à la chambre n°400 accompagné de Félix.

À leur grande surprise, c'est Zyra qui ouvrit.

- ...Ah... salut les gars.


EnotiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant