Perdue

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(Mardi_23décembre 3035_14H30_heure terrestre)

                                    *

Des douleurs aiguës, le corps martelé et parsemé de légères brûlures, une odeur immonde de chair brûlée... j’ai la tête lourde et les tempes enflammées. J'ouvre les yeux avec le peu de force qu'il m'a été donné par je ne sais quel miracle et prends difficilement conscience de mon environnement. Ma tête tourne alors que ma vue s'aligne, depuis quand le sol est-il si loin ? Je suis accrochée ?! Je lève la tête pour voir mon corps entremêlé et distordu dans je ne sais quel position par des lianes et des ronces, la douleur me rappelle à l'ordre et je délaisse mes forces, je dois les économiser. Bon sang, comment j'ai fini là-haut ? Les souvenirs de la grotte apparaissent comme des coups de poignards dans mon esprit...Matt... je dois retrouver Matt et les autres...

                                  *

Bien que cette pensée devint sa priorité absolue, elle s'attarda sur la situation. Son cerveau de nouveau connecté à tous les muscles de son corps, son souffle se coupa, pourquoi n'était-elle pas morte ? Les études faites sur l’Enotia sont formelles, quiconque s'approche de cette source à l’état pur ne peut espérer en sortir indemne. Les victimes avaient été retrouvées carbonisées, mortes, sans membres, qu'importe, rien ne donnait envie de s'en approcher.

- ... Comment ?

Dans son cas, son corps devait fondre vu les brûlures qu'elle constatait sur sa peau. De plus, des résidus d’Enotia à la couleur bleue verte serpentaient sur l'entièreté de son être. Elle se sentit écœurée et tenta de se libérer malgré ses blessures, le couteau qu'elle avait logé près de sa cuisse était hors d'atteinte. À force de gigoter, la rousse finit par s'écraser sur le sol, bien trop dur à son goût. Son attention était tellement prisée par une solution pour descendre qu'elle se rendit compte trop tard de ce qui gisait à ses pieds.

- Par les dieux..., s’effraie-t-elle.

Des corps démembrés, déchiquetés, carbonisés et parfois même fondus recouvrant le sol sec de litres de sang. Du rouge sur un périmètre bien large. Le souffle coupé, la rousse se tétanisa à la pensée d'un quelconque prédateur dans les parages, fort heureusement, où malheureusement, seule l'odeur du sang, et de la chair brûlée emplirent ses narines et non celle d'un animal. Sa main posée sur la bouche, elle se hâta à enjamber les corps, l'autre main pressée sur son estomac pour ne pas s'évanouir.

- [ Il faut rester calme,... respirer, euh non, pas respirer. Ne pas regarder, ne pas y penser. N’y pense pas, n’y pense pas... ]

À la place, elle se questionna sur son état, l’Enotia ne l'avait pas tué. Comparée aux soldats morts, elle était en vie, entière, et les différentes douleurs semblaient s'estomper. Ses amis n'étaient pas parmi les cadavres, bon ou pas à savoir, elle s'efforça à récupérer un autre couteau accroché à la ceinture d’un cadavre, les armes à feu ne serviraient à rien.

- [ Les recherches sur l’Enotia seraient erronnées ? Je peine à le croire. ]

Une preuve vivante, Aéris n’avait pas succombé, y aurait-il un espoir pour ses amis ? Elle s'y raccrocha. C'est tout ce qu'elle pouvait faire pour le moment, mais le suspens resta ancré dans son esprit. Si elle n'avait pas sombré, de quoi sont morts les soldats ? Des questions sans réponses... elle était en vie, elle s'en contenterait.

D'un pas prudent, elle enjamba des troncs et d’étranges flaques mouvantes, écarta d'immenses lianes qui lui bouchaient la vue. Cette forêt ne ressemblait à rien de ce qu'elle avait déjà vu, même à la télévision. Les arbres étaient difformes, serpentaient de bas en haut, de gauche à droite, aucun d'entre eux ne suivaient un sens particulier. Le sol était sombre et pas tout à fait solide, la rousse manqua de s'écraser plus d’une fois. Le seul point positif qu’il pouvait y avoir serait la faune, pas d'insectes ni d'animaux.

Essoufflée par cette marche, la jeune femme releva la tête dès qu'elle aperçut un rayon de lumière traverser l’épais feuillage. La lumière ne venait pas du Soleil, elle venait d’un ciel parsemé d’étoiles, des milliers d’étoiles...

Aéris resta sur ses gardes, il faisait bien trop chaud pour un début d'hiver, d'autant plus que cet endroit n'avait rien à voir avec la forêt myst, elle avait atterri quelque part d'autre. Si sa première main était occupée à resserrer un couteau, l'autre se plongea dans l’une de ses poches pour en sortir une montre dont la vitre n'était plus qu'un vieux souvenir, pourtant, elle avait tenu le coup.

Une date et une heure, ’23.12.3035 - 14H30’. Deux jours qu'elle était inconsciente avant de rouvrir les yeux dans cet amas de lianes. Deux jours, c'était bien trop long, n'importe quoi aurait pu arriver à ses amis dans ce laps de temps. Il ne fallait pas penser négativement, surtout au milieu d'une flore sauvage. Aéris accéléra le pas, les heures coulèrent... la montre affichait 17H00.

La liste de bonnes nouvelles étaient à établir ; elle n'allait pas mourir de froid, elle était entière, les quelques fruits qu'elle avait trouvé pourraient très bien la nourrir... ou la tuer, passons. Sa courte pause lui permit de reprendre son souffle. La forêt silencieuse parut bien bruyante à la rousse lorsqu'elle vit des traces de pas qui faisaient le double de sa taille.

- [ La créature qui vit là n'est pas petite..., rassurant. ]

La montre afficha 18H30 lorsqu'elle sentit un courant d'air frais, signal d'un sortie potentielle. Elle était sortie de la forêt, un miracle. Les cernes qu'elle arboraient n'étaient qu'un détail devant le spectacle qui se presentait à elle en contre-bas.

Une multitudes de petites lumières... un marché, conclut-elle. Elle était bien trop loin, et en hauteur pour identifier les habitants. Des maisons, si s’en étaient à première vue, s'étendaient sur toute la zone autour, des installations dont la lueur faisait penser à l’Enotia, des installations qui semblaient bien avancées niveau technologie, Aéris eut du mal à y trouver le travail de ’l’homme’ dans tout ça. D'immenses montagnes entouraient le domaine, le ciel n'avait pas changé, toujours aussi lumineux grâce aux étoiles et le sol s'apparentait à une sorte de sable... ou de poussière ? Mais pas de la terre.

La rousse pivota pour examiner la forêt dont elle était sortie, elle parut nettement plus grande et intimidante.

- [ Mais où est-ce que je suis bon sang... ? ]

Une seule solution pour le savoir, descendre de la grande colline pour demander de l'aide aux habitants. C'est avec le corps engourdi qu’Aéris entama sa glissade dans cet amas de sable.

Arrivée à destination, elle aperçut de drôles de véhicules, tous plus ou moins rafistolés, rien qui porte à croire à un véhicule ’lambda’ comme les voitures, moto ou même vélo. Elle passa. Désormais plus proche du brouhaha, elle se crut dans un film tant le spectacle était... déroutant ? Tendue de toutes parts elle empoigna le couteau accroché à sa cuisse.

- [ Par les dieux... C'est.quoi.ce.bordel ?!!? ]

EnotiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant