Passé

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- Suite à cet évènement rien ne s'est arrangé... j'ai continué à être harcelé malgré les efforts de mon père. Plus les jours passaient, plus c'était l'enfer. Les paroles se sont transformées en coups, les claques en poings, et les poings en armes blanches.

- Armes blanches ? Attend.... sérieusement ? se redresse Samaël effrayé.

Le roux hocha doucement la tête.

- Oui, ciseaux, compas... Pour dire la vérité je n'ai jamais vraiment compris pourquoi ça tombait sur moi. Est-ce que c'était parce que j'étais gros ? Parce que je ne socialisais pas ? Parce que je ne m'exprimais pas assez ? Parce que j'étais timide ? Parce que je n'avais plus de mère ? Je n'ai jamais eu de réponse.

Et il n'était pas censé y avoir de réponses. S'acharner de la sorte, personne n'a de raisons suffisantes pour commettre de tels actes.

- Peut-être que j'ai une tête de victime tout simplement, continue-t-il dans un rictus. Quelques temps après j'ai été diagnostiqué comme étant dépressif. Ça varie d'une personne à l'autre bien entendu, mais me concernant j'avais arrêté de manger, mes troubles alimentaires ont fini par me faire tomber malade au point de développer des maladies mentales dont l'anorexie.

Il replongea dans le passé, lentement, il se réimprima chaque souvenirs, chaque sensation et chaque entaille de son esprit.

- Je n'avais plus de loisirs, je ne sortais plus, je faisais des insomnies, je ne parlais plus... mon père avait pris la décision de me faire prendre des cours à la maison en milieu de la 4ème, grâce à ça, j'ai eu un moment de répit. Il prenait le temps de me reconstruire. Il a réussi à me faire manger un peu plus chaque jour, je reprenais goût à la vie sans tomber dans les pommes.

- Et le lycée ?

- Un cercle répétitif. Je devais repartir à l'école, au plus grand regret de mon père. C'est de là que sont apparues mes crises d'angoisses. J'en faisais déjà quand ma mère était à l'hôpital, mais elles étaient rares. Elles se sont multipliées dès le lycée. 3 crises minimum par semaine, j'ai été obligé de prendre des médicaments, les effets secondaires, c'est simple, ça me coupait l'appétit.

Mathéo semblait si imprégné dans ses souvenirs que Samaël cru qu'il était à sa place, comme s'il le vivait.

- Mon harcèlement s'est poursuivi, cette fois, pour ma maigreur, à croire qu'ils ne savent pas se décider. Je n'étais qu'un enfant à qui l'on a conseillé de mettre fin à ses jours.

Samaël bougea brusquement. Le roux s'arrêta dans son discours.

- Désolé, continue, souffle-t-il.

- J'ai essayé l'automutilation, j'ai été surpris en voyant que ça ne me faisait pas mal. J'ai pris conscience que mes blessures mentales étaient telles que mon physique n'en était plus affecté. Voir le sang couler sur le sol était réconfortant à un moment. Mon corps n'arrivait plus à pleurer, mais mon sang il arrivait à le verser.

Samaël baissa les yeux, c'est vrai que le roux portait pas mal de grands vêtements ou des hauts à manches longues malgré les quelques jours de chaleur. Pourtant, il ne vit rien sur les poignets de Mathéo.

- Ça a déjà cicatrisé, sourit Mathéo en voyant le regard de l'autre. Je l'ai fait pendant un an à peu près, et puis, tout a basculé lorsqu'Aéris m'a surpris à le faire dans la salle de bain.

- La furie en action, marmonne Samaël dans un frisson d'effroi.

- Ne crois pas qu'elle a toujours été comme ça. C'était une fille très calme à l'époque, passive et respectueuse.

- Je te crois pas, on parle pas de la même là, s'horrifie le jeune homme.

Mathéo fit vibrer ses côtes, c'est vrai, la Aéris d'aujourd'hui était encore plus courageuse que celle d'avant.

- Ma sœur adorait ses longs cheveux, papa la tenait à l'écart de ma situation, mais elle n'était pas aussi naïve. Tu peux être sûr que j'ai paniqué lorsqu'elle s'est coupé les cheveux sous mes yeux. Elle s'était même entaillé le bras afin de "me ressembler". Si je souffrais, elle voulait souffrir... lorsque ta sœur de 15 ans te sort ça avec un sourire digne d'un ange gardien, tu ne peux que paniquer et pleurer toutes les larmes de ton corps.

Samaël voyait bien la rousse faire une bêtise pareille.

- J'étais terrifié, je ne voulais pas perdre quelqu'un d'autre de ma famille, et c'était pareil pour elle, je l'ai compris trop tard. Tu sais, elle avait le même sourire que ma mère à ce moment, tout comme aujourd'hui, elle lui ressemble tellement... je n'avais plus pleuré depuis la mort de ma mère, disons que ça m'a bien lavé les yeux, nargue-t-il.

Il avait l'air plus détendu en parlant, sa gorge s'était dénouée, Mathéo arrivait enfin à parler sereinement.

- Je suis arrivé ici il y a trois ans, j'ai arrêté de me mutiler...mais j'ai encore des problèmes au niveau de mon alimentation ou de mon sommeil. Je cours pour essayer de me reprendre, ce n'est pas facile, et puis, ça m'aère l'esprit.

- ...

- Je vois où tu veux en venir, sourit-il. Si je me fais harceler ? Oui. Ils m'ont encore frappé pas plus tard qu'il y à trois jours parce que je les ai dénoncé à la police. J'avais récolté assez de témoignage, bon, j'ai été frappé je ne sais combien de fois, je ne suis plus à ça près. Mais bon, ils ont été embarqués hier, déclare-t-il.

- Attend, ça veut dire que tu as...

- Oui, ils doivent être derrière les barreaux à l'heure actuelle, je laisse les familles des victimes s'en charger, sourit-il doucement.

Le roux retira ses lunettes. Il les posa sur la table avant de glisser vers Samaël.

- Elles appartenaient à ma mère.


EnotiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant