Soleil

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(Dimanche_21 décembre 3035_4h05)

L'aube fut à peine visible, le froid s'accrocha à la terre pour se faire durer le plus longtemps possible. Aéris finissait son tour de garde lorsqu'elle vit Félix déjà debout au coin du feu.

- Salut, fit-elle en s'installant sur le tronc mort.

- Salut, sourit-il faiblement.

Aéris s'amusa de trouver dans l'expression de son ami un enfant. En balayant cette pensée elle put remarquer les cernes qu'il avait, elle devait en avoir pas mal aussi, ça pourrait même devenir un critère de beauté à force.

- T'as pu dormir ?

- Si on oublie les courbatures et la fatigue, ouais, on peut dire ça, grimace-t-il peu convaincant.

La rousse posa son arme verticalement avant de tendre ses bras vers le ciel pour des étirements bien mérités.

- T'as pas tort, j'ai mal partout. Au fait, merci d'avoir soigné Matt... je ne sais pas ce qui se serait passé si-

- S'il te plaît, coupe-t-il. Ne pense pas au pire. Tout le monde va bien et c'est le principal. Personne ne s'attendait à ça... et puis, j'ignorais que j'avais à faire à une tireuse d'élite, rit-il doucement d'un air taquin.

- Faut croire que faire du paintball ça aide, ironise-t-elle d'un coup d'épaule à son ami.

- J'avais jamais vu ça, digne d'un film d'action.

- Ben voyons, c'est ça je te crois, rit-elle.

Le vent souffla et décida d'emmêler les cheveux de la rousse par la même occasion. Elle grimaça devant une telle traîtrise de la nature en essayant de les replacer. Dans son cafouillage, elle sentit une main s'appliquant à remettre certaines de ses mèches derrière son oreille gauche. Elle se tourna vivement sous la surprise, figée face au regard adouci de Félix.

- Ils sont magnifiques.

- [ Hein ? ] Ah- euh, haha, merci... je, suppose, s'empourpre-t-elle. [ Au secours sauvez-moi ! C'est quel genre de drague ça ?! Si c'en est une avant tout. Il faut vraiment que j'arrête de divaguer. ]

- Tu n'as jamais pensé à les couper ?

- Quoi ? Ah non mon père les aime beaucoup alors je les laisse pousser depuis que j'ai euuh... quinze ans, ouais c'est ça quinze ! Et puis ils ne m'ont jamais gêné alors je les garde long comme ça, d'ailleurs je devrais peut-être les attacher, ou les couper, attend qu'est-ce que je raconte, désolée ça doit être la fatigue qui me fait dire n'importe quoi ! s'affolle-t-elle le souffle court.

Félix ne se rendait pas compte des dégâts qu'il infligeait, ou peut-être que si ? Qu'importe, Aéris perdait vraiment ses moyens en récupérant ses mèches prisonnières des mains de l'autre alors qu'il éclatait de rire.

- Pff, ex- excuse-moi...pardon, c'est juste...ta réaction est tellement drôle que... désolé, c'était pas voulu, tente-t-il d'articuler d'un ton hilare.

- C'est pas drôle, oh bon sang, se cache-t-elle le visage.

- J'ignorais qu'un être humain pouvait devenir rouge à ce point. Ça te va bien comme couleur.

- Te fous pas de moi c'est gênant.

- Pourquoi ça serait gênant ? demande-t-il doucement.

- Huh ?...je n'en sais rien.

Dans son sourire, le châtain souffla pour laisser s'échapper la buée glacée. Il leva la tête vers un ciel encore étoilé.

- Ce serait à moi de te dire merci... de, m'avoir réconforté avant-hier. Je ne pensais pas que quelqu'un le ferait, avoue-t-il.

La rousse suivit le mouvement. Peu à peu, elle se remémora leur première rencontre dans ce parc prisonnier de l'automne où elle avait été réconfortée par ses paroles.

- Un ami m'a dit un jour que je n'étais pas seule... que les évènements du passé n'existent plus... et qu'ils ne me feront plus de mal, déclare-t-elle en se concentrant sur le feu.

Le message était clair, mais Félix ne pensait pas qu'elle serait capable de le citer après ces mois passés, elle avait bonne mémoire.

- Et tu penses qu'il a raison ? ricane-t-il doucement.

- Je ne sais pas si ce qu'il m'a dit est vrai, mais je le crois. Je lui ai fait confiance... et j'ai pu faire la paix avec mon passé. Alors, je pense que pour avancer on a besoin des autres. Certaines choses ont besoin d'être faites avec le soutien d'une ou plusieurs personnes. Et je serai à tes côtés le temps qu'il faudra pour que tu puisses enfin te sentir plus léger avec ton passé.

Elle risqua une oeillade dans sa direction, peut-être avait-elle été trop intime, se mêler de ce qui ne la regardait pas. Pourtant, elle se surprit à voir une expression de reconnaissance sur le visage de Félix. Elle sourit à pleine dents, le message était passé et il ne l'avait pas rejeté.

Cette histoire ne la concernait pas, elle n'avait rien à faire là-dedans, mais elle était là, le sourire aux lèvres, un sourire angélique bercé par les premiers rayons de soleil. Ces mêmes rayons qui caressaient ce teint écrémé remplit de bonté.

Félix lui sourit en retour, cette atmosphère le réchauffa, le sourire d'Aéris le réchauffa, même le soleil s'était levé pour accentuer ce sourire merveilleux. Aéris reflétait le soleil... brillant, brûlant, éclatant. Son Soleil. Il abandonna. Il lui était impossible de se voiler la face plus longtemps, surtout avec un tel cœur tambourinant dans sa cage thoracique, Aéris l'avait eu.

Les deux jeunes adultes attendirent que le soleil se lève. Un nouveau jour, une nouvelle page, et de nouveaux ennuis. Rien n'était fait, surtout avec un feu de camp qui montrait leur position, ils n'allaient pas tarder. Ils devaient s'éloigner, partir, s'en sortir.

EnotiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant