7 / Kris

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17 septembre 2001
il y a 10 ans.

- Tu crois aux anges Krisou ?

La question innocente de mon petit frère résonne dans la pièce, suspendant le temps comme un écho douloureux de notre réalité. Il est allongé sur le lit d'hôpital, son corps fragile enveloppé dans des draps blancs, tandis que ma main serre la sienne avec une intensité désespérée. Je sens le poids de l'inquiétude et de la peur peser sur mes épaules alors que je lutte pour rester fort, pour être son roc dans cette tempête dévastatrice.

- Ne dis pas ça, Eliot, murmuré-je, tentant en vain de contenir les larmes qui menacent de s'échapper de mes yeux.

Je sais ce qu'il s'apprête à dire, et chaque mot prononcé est comme un coup de poignard dans mon cœur déjà meurtri.
Les larmes embuent ses yeux alors qu'il me regarde avec une tendresse infinie.

- Je serais ton ange, grand frère... articule-t-il avec effort, ses paupières se ferment lentement comme des volets se referment sur un monde qui lui échappe.

Je sens son souffle se faire plus faible, son corps s'alourdit peu à peu dans mes bras impuissants.

Je lutte contre les sanglots qui menacent de m'étouffer alors que je resserre ma prise sur sa main chétive, refusant de laisser partir celui qui a toujours été ma source de force et d'inspiration. Mais la perfusion presque vide me rappelle la cruelle réalité de la situation. C'est l'heure, l'heure où tout bascule, où le temps semble suspendre son souffle pour mieux nous précipiter dans l'abîme du désespoir.

- Reste éveillé, Eliot, murmurai-je d'une voix brisée, tentant de masquer l'angoisse qui m'envahit. On doit souffler ta bougie d'anniversaire.

Je tente de lui offrir un sourire malgré le poids écrasant qui pèse sur mes épaules, et il me rend ce sourire, son regard empreint d'une sérénité paisible qui me brise le cœur.

Je le regarde souffler sa bougie avec un mélange d'admiration et de douleur, sachant que chaque battement de ses paupières est un pas de plus vers l'inévitable. Je lui embrasse le crâne chauve, sentant la rugosité de sa peau sous mes lèvres, un rappel poignant de la lutte acharnée qu'il mène contre la maladie.

Mais alors que son rythme cardiaque s'accélère et que la machine hurle dans mes oreilles, je sens le sol se dérober sous mes pieds. Je suis pétrifié, paralysé par la peur alors que son cœur s'arrête de battre devant mes yeux impuissants. Mes jambes refusent de bouger, comme si elles étaient ancrées au sol par une force invisible, m'empêchant de faire un pas pour aller chercher de l'aide.

Un médecin entre en trombe dans la salle, suivi d'une foule de professionnels de santé qui semblent danser autour du lit de mon frère. Les murs semblent trembler sous la pression de l'urgence, tandis que mon père et ma mère entrent en trombe dans la pièce, leurs visages marqués par la terreur et l'angoisse.

Les larmes dévalent les joues de ma mère alors qu'elle est écartée de la salle par une infirmière, son regard fixé sur le corps inerte de mon frère. Mon père reste près de moi, une main ferme sur mon épaule, me soutenant dans ma détresse. Je suis trop anéanti pour bouger, pour parler, pour penser.

Et puis, soudain, je sens quelqu'un me soulever, m'emmener loin de la pièce maudite, loin de la souffrance et du chagrin qui menacent de m'engloutir. C'est mon père qui m'entraîne à l'extérieur, me protégeant de la vue de l'agonie de mon frère bien-aimé. Je reste là, le dos tourné vers la porte, écoutant les sons assourdissants de la tragédie qui se déroule derrière moi, priant silencieusement pour un miracle qui ne viendra jamais.

Le silence oppressant qui s'est abattu sur nous est brisé par le va-et-vient frénétique des médecins et des chirurgiens, qui sortent de la salle d'opération à intervalles réguliers, chacun portant sur son visage une expression grave et concentrée. Nous restons là, ma famille et moi, dans un état d'incompréhension totale, notre monde suspendu dans l'attente angoissante de nouvelles qui ne viennent pas.

REVERSAL Où les histoires vivent. Découvrez maintenant