9 / Nya

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19 septembre 2011
Psychologue.

-    Cela fait trois mois que tu es sortie de là-bas. Comment te sens-tu aujourd'hui, Nya ?

Le simple fait de mentionner cet endroit, cette prison surhumaine, me glace le sang. "Là-bas", c'est là où j'ai été emprisonnée, là où mes jours se sont égrenés dans un tourbillon de souffrance et de peur. J'ai l'impression d'y avoir laissé une partie de moi-même, comme si j'y étais morte à petit feu.

Je suis assise dans cette pièce beige depuis des semaines, attendant patiemment nos rendez-vous deux fois par semaine. Mais parfois, l'idée de sauter par la fenêtre à ma droite me semble presque tentante.

Comment je me sens ? La question semble simple, mais je ne trouve pas de réponse claire. Mes émotions sont un tourbillon incessant, changeant à chaque instant  mais revenant toujours au point de départ. Pour l'instant , je suis surtout consumée par une rage bouillonnante envers mon géniteur, mais aussi envers moi-même. Je m'en veux de lui avoir permis de toucher Jay, de le laisser replonger dans ses démons, condamné à vivre dans l'ombre de ses propres promesses brisées.

-    Nya ? me rappelle-t-elle à la réalité.

Je reporte mon regard sur elle, prenant conscience de sa présence bienveillante à mes côtés. Elle porte le même ensemble que la dernière fois, mais ses cheveux sont détachés, encadrant son visage d'une manière apaisante.

-    Bien, répondis-je d'une voix presque éteinte.

Son expression trahit son insatisfaction face à ma réponse. Elle prend une feuille et écrit quelque chose.

-    Quand arrêteras-tu de me mentir, Nya ? On se voit depuis 6...

-    ...6 ans, je le sais, je la coupe.

Un sourire léger se dessine sur ses lèvres, illuminant son visage d'une lueur bienveillante. Elle se lève et se dirige vers son bureau, fouillant dans ses tiroirs pour en sortir un petit carnet noir.

Elle revient s'asseoir en face de moi, me tendant le carnet.

-    Tu ne veux pas t'exprimer avec moi. Je n'ai pas encore ta confiance après toutes ces années. Et je doute que tu aies confiance en toi-même. Alors, je veux que dans ce carnet, tu puisses écrire tout ce que tu ressens. Tes craintes, tes envies, et tout ce qui te traverse l'esprit, Nya.

Son geste est empreint de sollicitude, mais aussi de détermination. Elle veut m'aider à trouver ma voix, à exprimer ce que je ressens au plus profond de moi-même. Je prends le carnet entre mes mains tremblantes, sentant le poids de ses attentes, mais aussi le début d'un espoir fragile naissant en moi.

-    Et si ça ne marche pas ? demandai-je, une pointe de doute perçant ma voix.

Elle lève les sourcils, surprise par ma question.

-    Pourquoi penses-tu que ça ne marcherait pas ? réplique-t-elle d'une voix calme, mais teintée d'une note d'inquiétude.

Je hausse les épaules, détournant le regard vers le carnet posé devant moi.

-    C'était une question idiote doc, murmurai-je.

Le carnet est simple, avec une couverture noire et un élastique pour le refermer. Les pages sont toutes identiques, avec un espace en haut pour noter la date. Cependant, je remarque que la dernière page se distingue par un "et" à la fin, comme si elle marquait la fin d'une histoire.

***

La musique dans mes écouteurs , je fixe le plafond. Celui-ci tourne. Ou ma tête tourne. L'intérieur de ma cuisse me brûle. J'ai mal. Je souffre. Mais aucun son ne doit sortir de ma bouche. J'ai plongé. Si bas. Que dis-je , je me suis noyé.
L'escalier grince, et je m'empresse de cacher le briquet sous mon oreiller. C'est Jay qui entre, un plateau à la main.

-   Je pensais que tu voulais manger, déclare-t-il d'un ton froid.

Depuis deux jours, il m'apporte à manger dans ma chambre. Je me suis retirée des repas familiaux, ne supportant plus l'ambiance tendue depuis que Dan s'est déchaîné sur Jay. Il tente de sourire, mais son visage marqué par les hématomes trahit sa douleur.

Dan l'a vraiment amoché. Depuis cette nuit-là, je n'ai pas adressé la parole à mon géniteur. Je lui en veux profondément, et cette rancœur ne s'atténuera jamais. Jay, lui, évite totalement le sujet ou minimise en disant que "papa" était trop ivre et qu'il s'est excusé. Mais c'est faux. Il ne s'excuse jamais, et c'est surtout à moi que Jay ne parle plus.

Je suis convaincue d'être la véritable fautive dans cette affaire. Ce soir-là, j'ai craint qu'il ne s'en prenne à April. J'ai toujours tout fait pour la protéger de lui, même au prix de ma propre sécurité. Il lui a seulement mis une claque un jour où je n'étais pas là, mais j'ai toujours veillé à ce qu'il ne la touche sous aucun prétexte, même si cela signifiait qu'il me frappe à la place.

Il referme la porte avec un ton froid qui me glace le dos. C'est la première fois qu'il se comporte ainsi avec moi, et je ne peux m'empêcher de me sentir responsable de cette situation.

Tout est de ma faute. Si papa ne s'était pas emporté à propos de mon anniversaire, rien de tout cela ne serait arrivé. Jay me parlerait encore normalement. Si je n'étais pas née, peut-être que maman irait mieux et serait encore ici, plutôt que là-bas.

Si je n'étais pas comme elle, peut-être que les choses seraient différentes.

Je regarde le plateau de nourriture, mais il me dégoûte. Je me contente de prendre mes cachets et de boire de l'eau. Peut-être que je perdrai du poids ainsi. Mes 48 kilos me semblent énormes. Je me sens tellement grosse...

Puis je repense à ce que la psy m'a dit. "Je veux que dans ce carnet tu puisses écrire tout ce que tu peux ressentir."

Mon corps se dirige instinctivement vers mon sac, et je prends le carnet qui s'y trouve. J'ouvre la première page, prête à mettre des mots sur mes maux.

19/09/11

Vide.


aucun mot autre que celui ne semble vouloir s'inscrire à l'encre. J'ai l'impression d'avoir tout dit.

Des cris retentissent en bas. Papa crie sur Coralie. Le bruit de verres se fracassant sur le sol me fait sursauter. Puis plus rien pendant quelques secondes.

Soudain, une cacophonie de bruits éclate. J'ai l'impression de retrouver mes douze ans, quand je cachais mes oreilles avec mes mains, blottie dans mon armoire. Mais maintenant, je suis simplement recroquevillée dans un coin de ma chambre, attendant que ce moment passe. Mais il semble durer une éternité. Des cris, des claques, des chaises... J'ai peur de descendre en bas.

La porte de ma chambre s'ouvre. April entre et se réfugie dans mes bras. Je l'accueille, partageant son effroi. Jamais la colère de mon père n'a été aussi déchaînée. Mais le bruit finit par s'estomper à nouveau.

Les escaliers grincent...

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A suivre.

J'espère que vos exams se sont bien passés ! J'attends mes résultats et je pense avoir pas trop mal réussi (i Hope)

And 🤭
Reversal vous réserve bien des surprises

On se retrouve prochainement.

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