𝖤𝗉𝗂𝗅𝗈𝗀𝗎𝖾

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Les battements précipités de mon cœur résonnent dans ma poitrine alors que je frappe mes jambes pour tenter de calmer les tremblements qui m'agitent. Une boule serrée se forme dans ma gorge, étouffant chaque pensée et chaque mot qui tente de s'échapper de mes lèvres. Depuis cette nuit-là, mes yeux sont constamment embués de larmes que je retiens, avalant le chagrin encore et encore, en espérant qu'il finira par se dissoudre dans le creux de mon estomac. Mais il s'accroche, tenace, comme un poids insoutenable qui me tire vers le bas. La peur m'étreint à l'idée de ce qui va se passer lorsque Kris partira.

La porte s'ouvre doucement, dévoilant Kris, son regard empreint de douceur. Il se décale pour me laisser entrer, un léger sourire aux lèvres.

-    Tu arrives pile poil, murmure-t-il, mais son ton est empreint d'une certaine tristesse que je perçois à peine.

Je franchis le seuil de l'appartement, mais la vision qui s'offre à moi est déconcertante. Le vide m'envahit, oppressant, alors que mes yeux parcourent l'espace dépouillé de ses meubles. Je ne reconnais presque pas cet endroit qui fut autrefois le refuge de nos éclats de rire et de nos doux murmures. Tout semble irréel, comme si j'étais prisonnière d'un cauchemar dont je ne parviens pas à m'éveiller. La pièce résonne de silence, brisé seulement par le froissement de quelques cartons et valises éparpillés par ici et là, témoins muets de notre petite vie commune désormais évanouie. Je me sens aussi vide que cet espace dénudé, comme si une partie de moi avait été arrachée.

Une vague de désespoir me submerge alors que je réalise que tout est bel et bien fini entre nous. Et dans cet appartement vide, je me sens perdue, démunie face à l'immensité du vide qui s'étend devant moi.

-    Tu pourrais m'aider à descendre ce qu'il reste dans la voiture ?- demande Kris, brisant le silence pesant qui enveloppe la pièce.

J'acquiesce d'un mouvement de tête, les larmes menaçant de déborder à nouveau. Je le suis jusqu'à la voiture, portant deux cartons qui semblent peser bien plus lourd que leur poids réel. Chaque objet emballé résonne comme un écho de nos souvenirs partagés, chaque geste de rangement est comme un adieu à notre passé commun. La douleur de voir toutes ses affaires emballées me transperce le cœur, faisant naître un sentiment d'abandon encore plus profond.

Après plusieurs allers-retours, Kris ferme enfin le coffre pour de bon. Nous remontons ensemble, mais l'appartement semble encore plus vide qu'avant. Le néant qui envahit l'espace résonne avec ma propre douleur intérieure, comme si une partie de moi-même s'effaçait avec chaque objet emporté. C'est comme si une année entière avait été gâchée, perdue dans les méandres de nos erreurs et de nos regrets.

Je m'appuie lourdement contre le mur de la cuisine, sentant mes jambes fléchir sous le poids de l'émotion. Le mur retient à peine mon corps chancelant, prêt à s'effondrer à tout moment. Kris se place derrière moi, glissant sa main tendrement sur mon épaule, une caresse qui semble à la fois réconfortante et douloureuse. Ses gestes doux et apaisants contrastent avec la dure réalité de notre séparation imminente, créant un mélange complexe de sensations contradictoires.

Dans cet instant de fragilité, je me sens à la fois brisée et soutenue, perdue et aimée. Et alors que les larmes menacent de submerger une fois de plus, je trouve un semblant de réconfort dans la chaleur de sa présence, même si je sais que bientôt, il ne sera plus là pour me retenir quand je tomberai.

-    Le sol a toujours été brun ? Ma remarque semble étrange, voire déplacée dans ce moment de tension, mais je ne peux m'empêcher de laisser échapper un fragment de normalité dans cette situation anormale.

Kris rit, mais son rire est teinté d'une tension palpable, comme s'il tentait de masquer quelque chose qui le tourmente en profondeur. Sa réaction m'intrigue, mais je n'ai ni le courage ni la force d'approfondir.

-    On peut discuter ? La question est là, suspendue dans l'air, chargée de signification.

Je sens que c'est le moment, que tout ce que nous avons évité de dire doit maintenant être confronté. Mais je sais aussi que je ne suis pas prête à entendre ce qu'il a à dire.

-    Ne dis rien. Je sais ce que tu veux me dire...  Mes mots s'échappent de ma bouche, mais ils sont accompagnés d'une tristesse infinie.

Je sais que c'est la fin, que nos chemins se séparent ici, que toutes les promesses que nous nous sommes faites ne sont plus que des souvenirs lointains.

Ma voix se brise alors que les larmes affluent, incontrôlables, refusant d'être retenues plus longtemps. Elles dévalent mes joues, brûlantes et salées, trouvant refuge dans les replis de mon cou.

Kris se tourne vers moi, enveloppant mon petit corps dans ses bras, et je sens la douceur de son étreinte m'envahir. Une partie de moi veut crier, protester contre cette injustice, mais une autre partie sait que c'est inutile. Nous sommes déjà perdus, emportés par le courant implacable du destin.

-    J'espère que tu comprendras un jour pourquoi ça se finit comme ça, Cara mìa, murmure-t-il, sa voix empreinte de chagrin et de résignation.

-    J'espère aussi, Kris... j'espère vraiment.

Mes mots sont à la fois un adieu et un espoir, un aveu de ma douleur et de ma volonté de trouver la paix.

Mon cœur est déchiré, meurtri, mais je sais que je dois trouver le courage de continuer. Je veux juste me réveiller de ce cauchemar incessant qui semble ne jamais vouloir s'arrêter.

-    L'éclipse est passée, laissant place à la lumière douce et réconfortante du soleil, il dit.

Nos regards se croisent, et je sens une connexion indéniable entre nous, même dans cette séparation imminente. Comme des aimants, nos lèvres s'attirent pour un dernier baiser, doux et tendre, rappelant le premier que nous avons échangé dans cette même pièce des éternités passées.

Mais cette fois, le destin nous sépare, nous entraînant dans des chemins différents, chacun de nous devant affronter le monde
seul.

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