8 / Nya

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Couchée sur le sol de ma chambre, chaque recoin semble s'étendre à l'infini autour de moi. La pièce paraît soudain immense, comme si elle reflète la grandeur vertigineuse de mes propres pensées. Hope entre dans ma chambre, son visage rayonnant de bonne humeur alors qu'elle s'assoit à côté de moi.

-    Redresse-toi, Nya ! lance-t-elle en riant, son ton léger dissipant un instant  le poids qui oppresse mon esprit.

Je lui offre un sourire en réponse, obéissant à sa demande en relevant doucement mon dos pour le laisser reposer contre le lit. L'air frais de la chambre pénètre doucement à travers la fenêtre ouverte, mais je ne ressens pas le besoin de me lever pour la refermer. À la place, je me couvre d'un plaid pour me réchauffer, savourant le confort douillet de mon cocon improvisé.

Hope attrape son sac et en sort deux bières, m'en donnant une avec un sourire complice.

-    Pour ton anniversaire, dit-elle en décapsulant la bouteille.

Je la prends dans ma main, mais je reste figée, tiraillée par un conflit intérieur.

Je sais que ce n'est qu'une bière, mais chaque goutte représente un dilemme moral. D'un côté, c'est une simple boisson, un geste de camaraderie et de célébration. Mais de l'autre, c'est un symbole de danger, une porte ouverte vers un chemin que je ne veux pas emprunter. Je ne peux m'empêcher de penser à mon père, à son combat contre l'alcoolisme, et à la peur viscérale qui m'habite à l'idée de suivre ses traces.

Je sens le poids de la bouteille entre mes doigts, sa fraîcheur glaciale contre ma peau, mais je n'ose pas la porter à mes lèvres. Une partie de moi refuse de céder à la tentation, de peur de perdre le contrôle, de glisser lentement dans l'abîme de la dépendance.

-    Je vais aux toilettes, annonce soudain Hope, me laissant seule avec mes pensées tourmentées.

J'acquiesce distraitement, laissant échapper un soupir de soulagement à son départ. Dès que la porte se referme derrière elle, je me précipite vers la fenêtre, décidée à me débarrasser du liquide toxique qui empoisonne mes pensées.

Vidant l'intégralité de ma bière dans le jardin en contrebas, je regarde le liquide se répandre dans l'herbe, une goutte à la fois. Chaque goutte représente un pas de plus vers la liberté, un refus de succomber à la tentation, un choix délibéré de préserver mon intégrité et ma santé mentale.

Je m'assoie précipitamment avant le retour de Hope, mimant un semblant de boire le contenu de la bouteille dès qu'elle franchit à nouveau le seuil de la porte. Mon cœur bat la chamade, mais je garde un visage impassible, dissimulant habilement ma lutte intérieure derrière un masque de normalité.

***

Depuis la rambarde, perchée sur une sorte de perchoir silencieux, j'observe la scène se dérouler en contrebas. Mon père crie sur Jay, les mots fusent comme des flèches empoisonnées, transperçant l'air lourd de tension qui enveloppe la pièce. Jay, toujours débordant d'énergie et de dévouement pour moi, semble être la cible de toutes les frustrations et les peurs de mon père. Parfois, dans ces moments-là, je me demande si mon père n'a pas raison, si je ne suis pas le problème, la source de tous les tourments qui ravagent notre famille.

Et pourtant, malgré ces doutes lancinants qui me tourmentent, une peur plus profonde, plus viscérale, me saisit à la gorge. La peur que mon père lève à nouveau la main sur Jay, que le cycle infernal de la violence se répète encore une fois. April est là, sur le canapé, cachant sa tête sous un coussin comme pour échapper aux éclats de voix qui résonnent dans la pièce. Le dessin animé diffusé à la télévision ne parvient pas à masquer le son assourdissant des disputes familiales.

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