13 / Nya

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Je ressens une instabilité dès que ma jambe touche le sol le matin. Après deux jours allongée dans mon lit, je reste là, assise à mon bureau, essayant de réveiller mes jambes engourdies. J'ai réussi à négocier avec mon père pour ne pas avoir à aller à l'école aujourd'hui. Communiquer avec lui lorsqu'il n'est pas trop alcoolisé est rare, mais lorsque cela se produit, cela soulève en moi un sentiment d'impuissance frustrant. Je me demande souvent pourquoi il n'est pas comme les autres pères, pourquoi il a besoin d'une bouteille de whisky pour se sentir vivant ou puissant. J'aimerais comprendre son point de vue, remonter à la source de ses démons pour essayer d'arrêter l'hémorragie émotionnelle qui le consume.

Parfois, je pense qu'il serait peut-être mieux s'il disparaissait pour ne jamais revenir. Mais malgré tout, c'est mon papa, et je ne peux m'empêcher d'avoir ces pensées contradictoires à son égard.

Mes pensées tourbillonnent sans cesse dans ma tête, un bruit constant qui refuse de se taire. Avec la tête pleine, je décide de quitter ma chambre après avoir enfilé un jogging et un haut à manches courtes trop grand. Mes jambes tremblent toujours, et je me sens tellement faible après avoir passé la nuit aux toilettes.

Le chiffre qui s'affiche sur cette balance, 54 kg, est comme un coup de poing dans le ventre. Une semaine seulement s'est écoulée, et pourtant, j'ai pris 2,5 kg. Cela peut sembler insignifiant pour certains, mais pour moi, c'est un signal d'alarme qui résonne avec une intensité déconcertante. La vue de mes cuisses, maintenant gonflées, ne fait qu'amplifier mon anxiété déjà palpable.

C'est un cycle sans fin, une lutte constante avec mon propre corps. Chaque calorie ingérée est scrutée avec une obsession malsaine, chaque bouchée est chargée de culpabilité. Je me sens piégée dans un tourbillon de pensées destructrices, où la nourriture devient mon ennemi le plus redoutable et où chaque gramme gagné est un poids supplémentaire sur mes épaules déjà affaiblies.

Je préfère alors me débarrasser de tout ce que je peux avant que l'angoisse ne devienne insupportable. C'est un rituel sombre et solitaire, une danse macabre avec l'anorexie mais aussi la boulimie qui me hante depuis trop longtemps. Je me retrouve là, devant les toilettes, pris au piège de mes propres démons, cherchant désespérément à expulser cette sensation d'oppression qui m'écrase de l'intérieur.

Chaque purge est un acte de désespoir, une tentative désespérée de retrouver un semblant de contrôle dans un monde qui semble s'effondrer autour de moi. Mais au fond, je sais que cette illusion de contrôle est éphémère, qu'elle ne fait que renforcer les chaînes qui m'emprisonnent encore plus étroitement.

Le bruit soudain de l'objet entrant en collision avec le sol résonne dans toute la maison, vibrant dans l'air comme une note discordante dans une symphonie tranquille. C'est comme si le son lui-même avait brisé la quiétude de l'atmosphère, créant une tension palpable qui m'enserre le cœur.

Un léger cri, presque étouffé, suit ce bruit abrupt, coupant l'air comme un couteau tranchant. Il perce le silence qui s'ensuit, laissant dans son sillage un sentiment de malaise et d'appréhension qui envahit l'espace.

Je reste figée en haut de l'escalier, mes pieds semblant ancrés au sol, incapables de bouger. La porte d'entrée claque, un son final qui résonne dans le silence, signant le départ précipité de mon père.

Mes pas résonnent dans les escaliers alors que je m'élance vers le salon, l'urgence battant dans mes veines. Mon regard balaye rapidement la pièce, captant chaque détail dans un éclair de lucidité. La cuisine est éclairée, un halo de lumière émanant de l'autre côté du salon. La sacoche de papa n'est plus à sa place habituelle, abandonnée comme un souvenir égaré, mais son téléphone repose sur le meuble, un objet incongru dans ce chaos subit.

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