𝟥𝟪 / Nya

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10 mars 2012

Assise à même le bord de mon lit, je laisse mon regard errer sur le reflet dans le miroir. C'est une image que je connais trop bien, mais qui me semble toujours étrangère. Mon corps, autrefois si familier, semble maintenant étranger, presque fantomatique. Les vêtements pendent sur mes épaules comme des chiffons, témoins silencieux des kilos perdus au fil des mois.

Je passe mes doigts tremblants sur mes bras, sentant les contours de mes os sous ma peau. Les cernes sous mes yeux ne mentent pas sur les nuits sans sommeil, les pensées tourmentées qui me hantent inlassablement. Chaque jour, je me réveille avec l'espoir fragile de retrouver un semblant de normalité, mais chaque nuit me rappelle cruellement que la douleur et la tristesse ne me quittent jamais vraiment.

Pourtant, malgré tout cela, il y a une lueur d'espoir qui brille faiblement au fond de moi. Une conviction profonde que je suis plus forte que cette maladie qui tente de me dévorer de l'intérieur. Je sais que la route vers la guérison sera longue et difficile, parsemée d'obstacles et de rechutes potentielles, mais je suis déterminée à me battre. Déterminée à retrouver la confiance en moi, à reconstruire ma relation avec la nourriture et mon corps, et à retrouver enfin la paix intérieure que j'ai si longtemps cherchée en vain.

Je pose mes mains sur mon ventre, ressentant la douleur lancinante qui irradie de mon estomac. Les nausées sont devenues mon compagnon quotidien, et chaque repas est un défi que je redoute de relever. Je me suis enfermée dans un cycle destructeur où la nourriture est devenue mon ennemie, et chaque bouchée est un combat contre mes propres démons.

Je repense aux moments où j'ai couru aux toilettes après chaque repas, où j'ai lutté contre la montée de la bile dans ma gorge, où j'ai ressenti la honte et la culpabilité m'envahir après chaque crise. C'est un enfer que je ne souhaite à personne, un tourbillon de souffrance physique et émotionnelle dont je peine à m'échapper.

Je secoue la tête pour chasser ces pensées sombres et me force à me concentrer sur le présent. Je suis debout devant mon miroir, scrutant mon reflet avec une tristesse teintée de frustration. Mon corps a changé, il est devenu plus maigre, plus fragile, marqué par les stigmates de cette lutte intérieure. Mes vêtements pendent sur mes épaules, témoignant de la perte de poids que je peine à accepter.

Je me sens piégée dans ce corps qui me trahit, dans cette spirale destructrice dont je ne trouve pas l'issue. Chaque jour est un défi, une lutte contre moi-même, contre cette voix insidieuse qui me pousse à me priver, à me punir. Mais malgré tout, une part de moi refuse de céder complètement, une lueur d'espoir fragile qui refuse de s'éteindre.

Ces souvenirs hantent mes pensées, comme des ombres qui obscurcissent mon esprit. Je me revois, penchée au-dessus des toilettes, les mains crispées sur la cuvette, tandis qu'il me soutenait, me murmurant des encouragements feutrés. La nausée, la douleur lancinante dans mon estomac, le goût amer qui me montait dans la gorge... Chaque détail est gravé dans ma mémoire, comme une cicatrice invisible qui refuse de disparaître.

Je me sens si vulnérable, si impuissante face à cette dépendance insidieuse qui me consume peu à peu. Lui, avec son regard empreint de sollicitude feinte, ses mots doux qui masquent la cruauté de ses actes... Je me demande parfois s'il se rend compte de la gravité de ce qu'il me fait subir, s'il mesure l'étendue de ma détresse.

Pourtant, malgré la douleur et la confusion qui m'assaillent, une part de moi refuse de se résigner. Je sais que je dois trouver la force de mettre un terme à cette relation toxique que j'ai avec mon père, de me libérer de ses chaînes invisibles qui entravent ma liberté.

C'est une vision déconcertante, presque irréelle, que celle de mon propre corps marqué par ces teintes violacées, témoins silencieux de la violence que j'ai subie. Les bleus s'étendent comme autant de taches sombres, dessinant des motifs douloureux sur ma peau. Je sens le poids de leur présence, comme autant de stigmates de ma souffrance intérieure, révélée au grand jour.

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