13 minutes avant

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La robe était blanc neige. Un effet de treillis brodé aux fils d'or rendait le jupon très volumineux. Par sa longueur, il frôlait le sol.

Resserré à la taille, un corset aux mêmes motifs présentait des incrustations de strass et de cristaux. De magnifiques motifs de dentelle finissaient les manches. La cape pourpre, sur laquelle le logo du MDV était dessiné en grosses lettres d'or, était retenue aux épaules. Toutes les extrémités de la traîne étaient suivies d'une épaisse couche de fils dorés.

Je me suis contemplée pour la énième fois dans cet attirail qui ne me ressemblait pas. Un énorme sentiment d'illégitimité m'a saisi. Je l'ai aussitôt écarté.

Dénuée de tous bijoux, le but était de laisser la place aux objets royaux que l'on me placerait durant la cérémonie.

Lâchés sur le dos, mes cheveux bruns étaient bouclés de manière à recevoir le diadème de couronnement. Seules mes deux mèches de devant étaient ramenées derrière mon crâne par une broche royale. Dorénavant, j'aurai à me vêtir de cette manière pour toutes les grandes occasions. Étrangement, cela ne me déplaisait pas.

Soudain, l'idée que mon père, anciennement membre de ce monde, n'aurait jamais pu assister à ce couronnement m'a attristé. C'était la première fois que ce sentiment me traversait, à son égard. J'aurais bien aimé qu'il soit là...

On nous a intimé d'avancer alors j'ai reporté cette pensée pour plus tard. La salle du sacre se trouvait au deuxième étage du château. C'était la pièce la plus importante de celui-ci. La plus traditionnelle et la plus ancienne. Une fois devant les immenses portes en bois, les bruits étouffés des discussions sont arrivés à mes oreilles.

Le custo-valo (l'homme chargé du sacre) a ouvert la porte à Sa Majesté et a déclaré :

— Sa Majesté, le roi Jean-Phillippe.

Quelques secondes se sont écoulées puis est ensuite venu mon tour. Le custo-val a déclaré, haut et fort :

— Son Altesse Steacy Rochelle, la légitime souveraine de cet empire.

Je lui ai répondu selon la norme.

— Merci Votre Excellence.

Il a esquissé une révérence.

La porte débouchait sur une gigantesque salle blanche et or. Le parquet était simplement de couleur bois, mais un long tapis rouge était déroulé au milieu de la salle. À chacune de ses extrémités, un nombre incalculable de rangées de bancs se présentait.

Tous les volants assis sur celles-ci se sont levés à la seconde de mon apparition. Ils ont effectué, tel un seul homme, la même courbette que celle destinée à Jean-Philippe, un peu plus tôt. Assis sur un magnifique fauteuil rouge et or à la gauche du secrétaire, Sa Majesté se tenait dignement. Je ne pouvais ni compter le nombre de paires d'yeux tournés vers moi, ni le nombre de rangées que cette salle offrait.

Lorsque je me suis intéressée au fond de la pièce, j'ai pu constater que le long tapis pourpre donnait lieu, à son extrémité, à une haute estrade surplombant la salle. Une chaise en bois trônait sur celle-ci. La fameuse chaise du trône était bien plus qu'une simple assise. J'avais entendu parler de ce siège plus d'une fois ! Très haut et très imposant, je risquais de me sentir minuscule à ses côtés.

Cette salle était tout bonnement magnifique ! Les moulures en or parcouraient tout le plafond ainsi que tous les angles de la spacieuse pièce.

Le custo-valo, vêtu de gris, m'a devancé et a ouvert la marche. Il s'est placé à droite de l'estrade avant de poser un volumineux livre, ouvert à sa moitié sur un petit bureau. Comme convenu, tout le personnel royal était déjà placé aux extrémités de la salle, auprès des murs latéraux. Les serviteurs, quant à eux, se tenaient droits comme des I, derrière toutes les rangées de volants. En retrait de tout. Je leur ai souri.

Seules deux grandes baies vitrées côté sud donnaient vue sur le MDV. Ou plus particulièrement sur la plateforme d'espaces verts. À travers, le monde paraissait vide, sans aucune trace de vie.

Je me suis avancée à mon tour, la tête haute et les épaules bien droites. J'ai monté les quelques marches recouvertes du velours pourpre du tapis avant de m'assoir sur le trône. Les pieds à terre et les mains sur les cuisses comme je l'avais appris. Cette fois-ci, les volants se sont rassis. J'ai alors pris le temps de regarder autour de moi.

Quand j'ai risqué un coup d'œil en l'air, la stupeur m'a envahie. Une magnifique peinture recouvrait une grande partie du plafond. Sur un fond bleu, cinq personnes étaient représentées. Un custo-valo s'apprêtait à couronner un jeune garçon brun. Un homme et une femme lui tenaient la main. Ils semblaient fiers. À sa droite, un autre homme, un peu plus jeune que le couronné, semblait attendre. Des écritures et d'autres représentations que je n'arrivais pas à décrypter s'étendaient sur le plafond. Mais un endroit retenait particulièrement mon attention. Le jeune couronné avait, à son doigt, la même bague que moi. Celle-ci semblait connectée par une ligne vulgairement tracée aux couleurs dorées, à une seconde bague. Celle que détenait l'autre jeune homme. C'était seulement en repérant cette étrange connexion entre les deux bijoux que j'ai remarqué les regards des protagonistes, tous tournés vers ce lien. Le symbole du MDV était tracé en dessous de ce trait or.

Les moulures qui encadraient cette œuvre représentaient les quatre éléments : la terre, l'air, l'eau et le feu. Si je regardais un peu plus précisément, je pouvais voir une représentation de chaque pouvoir, sculpté aux côtés de son élément de référence.

Le secrétaire a repris la parole, m'arrachant à ma contemplation.

JuniaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant