Chapitre 14 | Près d'un ange

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Ne voulant certainement pas déranger dans ce moment délicat, Liam reste en retrait. Pourtant, mon corps lui crie de venir à mes côtés.

Son Altesse est transportée sur une civière. Le bruit des roulettes à chaque rotation m'insupporte.

Le couloir, plongé dans la pénombre, témoigne de l'heure bien trop matinale. L'annonce de l'intrusion a semé une terrible pagaille, je doute que la moitié des volants dorment, même à cette heure-ci. D'après les gardes, quelques rues ont été dégradées mais ce qui intéressait réellement les ambrolennes, c'était le château. Ou, plus particulièrement, moi.

Je marche lentement, au rythme du lit. À quelques centimètres de moi, les mains inertes de l'ancien roi sont déposées sur le drap blanc, le long de son corps.

Nous arrivons à la hâte à l'infirmerie. C'est la pagaille. Tout le monde s'active mais je ne vois que le visage pâle de cet homme qui était aimé de tous, au Monde Du Vol. Les blouses blanches des infirmières m'aveuglent. Celles-ci saisissent précipitamment le brancard et commencent à ausculter le corps.

Derrière moi, j'entends Liam s'adresser à un des gardes qui était présent sur les lieux.

— Comment a-t-il été tué ?

Je me retiens de vomir au mot « tué ».

— Par balle. Bien trop proche du cœur.

Seul le corps médical est autorisé à être ici. Liam, l'administrateur et moi sommes les seuls privilégiés, entourés de quelques gardes. Tous les autres attendent dehors.

Je pense alors à ma mère. L'aimait-elle encore ? Mes yeux me brûlent. Les larmes menacent de couler et les retenir est un combat contre moi-même.

Que vais-je faire sans lui ? Jamais je ne serai capable de gouverner sans son aide. J'espérais tellement de Son Altesse, j'étais certaine qu'il m'aiderait en toutes circonstances. Comment une reine peut-elle gouverner seule, sans avoir été élevée dans ce but ?

Lorsque je relève la tête, les infirmières s'attèlent à lui passer des tubes dans la gorge. Elles essaient de le sauver. Elles s'acharnent. J'ai tellement espoir en elles. Mes mains tremblent et je n'arrive pas à me calmer.

Sans m'en rendre compte, je m'approche du lit et prend sa main. A-t-on déjà eu ce contact quand je vivais ici, autrefois ? Je n'ai aucun souvenir de ces instants passés au château. Les larmes dévalent mes joues. Je les essuie d'un revers de la main. Je n'ai pas le droit de pleurer devant tout ce public.

Moi qui commençait tout juste à m'ouvrir à lui...

Liam avait raison. Je suis la reine des connes. Je me suis contentée de bouder comme une petite fille gâtée. J'aurai dû rattraper le temps perdu, rattraper les moments que je n'ai jamais pu et que je ne pourrai jamais passer avec lui.

— Votre Majesté ? Pourriez-vous vous décaler ? J'ai besoin d'accéder à son bras.

Je lève les yeux. Une jeune infirmière me regarde, impatiente. Je ne veux pas bouger. Je ne veux pas le laisser. Je me suis montrée bien trop lâche ces derniers temps, je ne referai pas la même erreur.

Je le regarde. Ses cheveux gris collent à son front, ses yeux ternes sont toujours ouverts et me regardent, vides de sens. C'est bien trop dur. D'un geste léger, je ferme ses paupières. Je sens une main se poser sur mon épaule.

— Allez, Votre Majesté, laissez les faire leur boulot.

Liam me regarde, un triste sourire sur le visage. Lorsqu'il me tire un peu plus loin, je ne résiste pas.

— Je t'en prie, appelle-moi Steacy. Tu m'as sauvé la vie... Et je n'ai pas besoin de faire face à un sujet pour le moment.

Il baisse la tête.

JuniaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant