Junia

Chapitre 8 | Fougère sauvage

Tout se met à tourner. Je vois les lèvres de Telma bouger mais je n'entends plus le son de sa voix. Je la vois agiter ses mains mais je reste statique.

Je commençais à l'aimer. À aimer. C'était ma bouée dans cet océan que représente ma nouvelle vie. « Je te veux pour moi, Steacy Rochelle. Pour toute la vie. ». J'y ai cru.

Soudain, c'est la colère qui prend le dessus.

Je ne l'ai pas cru.

Il m'y a fait croire.

Je me lève d'un bond et fouille dans mon placard. Je troque mon pyjama contre mon top à manches longues ainsi que mon jean blanc et enfile le tout plus vite que jamais. J'attrape ma veste et prend mon portable.

— Steacy ? Tu fais quoi ?

— Je vais régler mes comptes.

J'ouvre ma fenêtre et remarque que Telma ne bouge pas d'un pouce.
— Bon, tu viens ou tu restes plantée là ?

Je ne l'ai jamais vue autant sourire qu'à cet instant.

— Je viens, bien évidemment.

Avant d'enjamber la fenêtre, je dis à ma mère qu'on se couche pour éviter qu'elle rentre dans la chambre et constate notre absence.

— Mais tu sais où elle habite ? s'inquiète Telma.

Je lui montre la carte snapchat où je peux localiser mes amis qui s'y trouvent.

— Ici.

— Qu'est ce que j'aime quand tu es comme ça !

Trop nerveuse pour marcher, je foule à grandes enjambées les rues plongées dans le noir. L'envie de voler pour aller plus vite est irrésistible mais je me raisonne.

Sur le chemin, Telma essaie tout de même de me faire parler mais je refuse. Si je parle, je risque de m'effondrer et il en est hors de question. C'est plus facile de conserver sa colère que de céder à la tristesse.

— Concentre toi sur ta course plutôt que de t'essouffler à me parler.

Nous courons pendant une petite dizaine de minutes puis une grande maison blanche s'offre à nous. Derrière les grandes verrières, la fête bat son plein. Comme si c'était chez moi, je pousse la porte d'entrée et arrive dans un salon. La maison est remplie d'ados. Personne ne remarque notre présence.

Je traverse la salle et aperçois Colin avec une jolie blonde près du bar. Rien d'étonnant.

Lorsqu'il me reconnaît, il écarquille les yeux.

— Il est où ? je demande de but en blanc.

Je n'ai pas besoin de préciser de quoi je parle, il comprend instantanément.

— Heu... la dernière fois que je l'ai vu il allait dans le couloir et...

— Ça t'est pas venu à l'idée de me prévenir, par hasard ?

La petite blonde se recule d'un pas, comprenant que ce n'est pas le moment de prolonger son échange d'ADN.

— J'étais pas là quand ils sont partis dans la chambre et...

— Quelle chambre ? Je parlais de la story, moi.

— Quelle story ?

Je regarde Telma et nous n'avons pas besoin de se parler pour comprendre que la situation est bien pire.

Soudain, tout prend sens. La réaction de Colin suite à notre officialisation, sa peur qu'il me fasse du mal... Il m'avait prévenu de « son attitude de connard avec les meufs ».