Lui
— Tu vas où ?
— Je sors un peu.
— Tu n'as pas intérêt à revenir tard, me menace-t-il, le nez toujours plongé dans ses documents.
Je ferme la porte derrière moi avant qu'il ne change d'avis. Il ne me retient plus pour sortir. Pire, il ne m'a jamais reparlé de cette nuit, où elle est venue. Je ne vais pas m'en plaindre, mais c'est mauvais signe.
J'analyse pour la centième fois la photo qu'elle m'a envoyée. Ses yeux rouges n'émettent plus aucun éclat. Elle n'a pas l'air d'avoir pleuré... juste beaucoup bu. Beaucoup trop. Malgré ça, elle reste magnifique. Ses longs cheveux bruns tombent sur un haut rouge. Je clique sur la localisation, juste au-dessus de la photo. Je ne tiens plus en place. Elle m'ignore depuis plus de 4 jours et j'ai l'impression que ce lourd poids dans ma poitrine y est lié... L'idée qu'elle m'ai envoyé cette photo sans en être totalement consciente me tue. J'aimerais tant qu'elle l'ait fait d'elle-même. Mais je ne peux pas lui en vouloir. Je n'ose pas imaginer comme j'aurais réagi, à sa place...
C'est décidé, j'y vais. Je ne sais pas trop pourquoi, mais je sens qu'il faut que j'y aille.
Lorsque je sors, le MDA est vide, plongé dans le noir. Ici, personne n'est très fêtard alors, week-end ou non, tout le monde se couche à l'heure des poules. Quel ennui...
J'ai assuré à mon père que je resterai dans le MDA. S'il savait... Je pense qu'il me tuerait, au sens propre du terme. Je triture la bague qui décore mon index, et me dirige vers la sortie. Je pousse la porte du passage et sors dans la forêt. Je foule les hautes herbes en prenant conscience que je ne suis pas retourné dans le monde extérieur depuis la mort de maman. Je me souviens qu'elle adorait ramasser toutes sortes de végétaux comestibles dans ce bois. Je la revois, accroupie entre les buissons, son panier en oseille dans les mains. Père nous accompagnait, quelques fois.
Je survole rapidement la végétation, chassant rapidement tous ces souvenirs. Une fois sur la route, sous la lueur des lampadaires, je sors mon téléphone afin de me guider.
Au bout de quelques minutes de marche, mes jambes sont déjà engourdies. Il me reste peu de chemin et je m'en réjouie. Marcher est peu naturel pour moi, je dois me forcer. C'est si lent comme manière de se déplacer... On s'ennuie presque.
Je parcours les rues, étudiant les maisons une à une. Contrairement au MDA, elles sont toutes très différentes entre elles. Cela ne rend pas la rue harmonieuse, mais un charme s'y dégage. Peut-être suis-je en train de passer devant la maison de Steacy. Ici, dans ce monde, se trouve sa vraie vie. Elle a dû fouler ces rues un nombre incalculable de fois. Y courir avec ses amis à la sortie de l'école. Soudain, j'ai une terrible impression de m'introduire dans sa vie privée. Je chasse cette idée et accélère.
Alors que je tourne dans un coin de rue, un bruit de basse fait vibrer mon corps. Je me dirige vers la maison qui dégage ce vacarme. Un tas d'adolescents rient à gorge déployée dans le jardin. Lorsque je franchis la porte d'entrée, j'écarquille les yeux. C'est la cohue totale. Dans le salon, des mioches dansent comme si leur vie en dépendait pendant que d'autres s'amusent à boire cul sec tout un tas de verres d'alcool. C'était ma vie, avant... Je me dirige vers eux, saisis un shot qui traînait sur la table et en vide le contenu.
Et dire que cet alcool est comme l'eau courante pour Père...
Je sens une main caresser mon épaule.
— Je ne t'avais pas vu en début de soirée, toi.
Une petite brune me fait les yeux de biche avant de passer une main sur ma joue.
— Tu t'appelles comment ?
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Junia
RomanceDeux Mondes. Deux garçons. Une reine. Steacy n'est pas une adepte du changement. Mais lorsque la prophétie du Monde Du Vol la désigne comme l'Élue, elle comprend qu'elle seule pourra ramener la prospérité au peuple de ce monde parallèle. Elle ne peu...