Chapitre 26 | Je te pardonne

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— Oui. La dernière fois que je suis venue ici, c'était pour l'enterrement de mon père...

Nous nous asseyons sur un banc du premier rang. Quelques centimètres nous séparent.

Nous restons silencieux un moment et Liam prend la parole.

— Je suis désolé. Sincèrement.

Je ne réponds rien. Je sais qu'il est sincère.

— Steacy, je voudrais vous parler de ce que vous avez appris... ce soir-là.

Entendre son prénom dans ma bouche me fait toujours le même effet mais je ne sais toujours pas comment le décrire.

Nous n'avons pas abordé le sujet depuis mon intrusion au château. Ou du moins pas de manière mature.

Je le laisse continuer.

— Je ne me suis jamais excusée, alors je vous demande pardon. Je suis vraiment désolé de vous avoir menti, j'aurais dû être honnête avec vous depuis le début.

Non, il n'aurait pas dû être honnête. Il aurait tout simplement dû éviter cette rencontre. Faire en sorte que tout ça ne soit jamais arrivé.

— Non, Liam, ça n'aurait rien changé.

— Laissez-moi finir, s'il vous plaît.

Je me tais et il continue.

— Croyez-le ou non, je n'ai jamais été en accord avec les idées de mon père. Ou du moins pas avec les idées de l'homme qui a perdu sa femme.

Je déglutis. Sa voix est pleine de reproches.

— Quand lui et son associé ont décidé d'attaquer le château, j'ai tout fait pour les en empêcher. Pour moi, nous pouvions nous contenter de vivre de notre côté et vous du vôtre. Mais il n'a rien voulu entendre. Ses ambitions étaient bien plus grandes. Il m'a obligé à le suivre, afin de voir comment un « bon roi » doit défendre son peuple. Quand j'ai compris qu'il comptait tuer la reine, j'ai décidé de faire bande à part. Je me suis écarté du groupe. Tuer quelqu'un est une chose. En être témoin et accepter ce geste en est une autre. En réalité, je pense qu'il y a peu de différence entre les deux. J'ai donc parcouru les couloirs seul et je vous ai vue sortir. J'ai vite compris que vous n'aviez pas l'intention de rester bien sagement dans votre chambre. Je vous ai suivie de loin et ai trouvé cette pièce dans le mur, qui, soit dit en passant, n'est vraiment pas très stratégique. N'importe qui peut remarquer que le tableau ne colle pas le mur...

Je suis presque offusquée de sa critique sur notre manière de prévoir les attaques.

— Passons. Je m'y suis réfugié lorsque vous vous êtes retrouvée encerclée et... je vous ai tiré vers moi.

— Je me serai débrouillée seule si...

Son regard appuyé me fait capituler.

— Oui, bon, peut-être pas.

— Vous avez eu beaucoup de chance. Si les gardes avaient été plus proche de quelques mètres seulement, ils auraient vite compris où vous vous cachiez.

Il marque une pause. Je peux presque voir les événements défiler devant ses yeux.

— J'ai tout de suite vu votre regard affolé, votre cuisse... Vous dire que je faisais partie de la famille de votre potentiel assassin n'aurait pas arrangé les choses. Alors j'ai inventé. Puis il y a eu l'annonce de sa mort. Je suis resté avec vous parce j'avais déjà vécu ça. J'aurais aimé avoir quelqu'un à mes côtés lorsque ça m'est arrivé. Et puis, quelque part, je me sentais fautif. Puis nous nous sommes revus. Dire que j'aurais préféré ne jamais vous rencontrer serait un beau mensonge. Vous êtes différente, Steacy. Vous êtes la personne la plus bienveillante que je connaisse. J'aurais aimé que tout ça soit plus simple. J'aurai vraiment aimé ne pas tant vous apprécier. Mais têtue comme vous êtes, vous vous êtes aventurée dans « la zone interdite » qu'est la MDA et... Vous connaissez la suite.

— Si je n'y étais pas allée, ce soir-là, m'aurais-tu tout avoué, un jour ?

— Je préfère ne pas penser à ce qu'il se serait passé, avoue-t-il, la tête relevée vers le plafond.

Sa pomme d'Adam ressort de son cou et sa mâchoire se crispe. Il est admirable, fascinant. Ses mèches blondes tombent devant ses yeux bleus. En le regardant de la sorte, je le trouve si fort. Mais cette force n'est que le résultat d'une terrible souffrance. Je n'arrive pas à décrocher les yeux de ce tableau qui s'offre moi. Je ne devrais pas porter ce regard sur lui... mais je n'arrive pas à m'en empêcher.

Il se tourne vers moi, pose ses coudes sur ses genoux et joint ses mains.

— Je préfère ne pas y penser parce que j'aurais dû faire un choix, reprend-il.

— Quel choix ?

— Le choix de continuer à vous voir ou de tout vous avouer.

En une phrase, il vient de tout réduire à néant. Il vient de formuler tout haut ce que je n'arrive pas à m'avouer depuis des jours : continuer de se voir en connaissant la situation est impossible. Chacun de nous a des devoirs. Notamment celui de choisir notre peuple.

Je sens une larme rouler sur ma joue. Je l'essuie discrètement d'un revers de la main.

— Et j'aurai été incapable de faire ce choix.

— Pourquoi ?

— Parce que, dans la rivière, l'autre après-midi, j'ai réalisé que personne ne m'avait procuré autant de bonheur depuis... depuis...

— Depuis sa mort, je continue à sa place.

Il confirme d'un hochement de tête et mes joues s'empourprent. Je le rends heureux. Mais je n'ai pourtant rien fait d'extraordinaire. Mais lui, il m'a sauvé la vie.

— Je te pardonne.

Il me dévisage, comme pour s'assurer que je ne me joue pas de lui. Lorsqu'il comprend que je suis sincère, ses épaules se relâchent, comme soulagées d'un poids qu'il s'efforçait de porter depuis bien trop de temps. Je retrouve enfin ces fossettes que j'aime tant.

— Merci, me répond-il simplement.

Nous restons comme ça pendant quelque temps. L'ambiance m'apaise, je me sens bien ici, avec lui. Liam se met à fredonner un air et je me perds dans la contemplation du plafond. Les peintres ont dû prendre des semaines pour peindre tout ça.

Mon regard s'attarde sur la scène de couronnement que j'avais remarqué, lors de ma propre cérémonie. L'homme et la femme qui entourent le couronné sont certainement ses parents. À côté d'eux, un jeune homme se tient un peu en retrait mais les deux enfants sont reliés par une ligne dorée. Serait-ce un lien amical qui les relie ? Un lien familial ?

À côté de moi, Liam, qui a cessé de fredonner, se redresser d'un coup sur le banc.

— Steacy...

— Oui ?

— Cette peinture...

Il désigne le plafond d'un coup de menton.

— Je la connais.

𐬾

Toujours moi ♡
Et ce n'est que le début des embrouilles... croyez moi. Des suppositions sur ce fameux tableau ?

Bon, personnellement je suis contente de cette réconciliation entre nos deux chouchous !

On se dit à Samedi prochain pour le chapitre suivant (si j'arrive à être dans les temps XD).
Kiss,
Rose <3

JuniaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant