Annabelle de Coutais

Chapitre 1 : Une tradition toute en blanc

C'est dans le Château de Coutais, celui de ses grands-parents, dans lequel elle habitait depuis quelques mois déjà, qu'Annabelle se réveilla, étrangement de bonne humeur. Il devait être tôt ce matin là car la lumière transperçait à peine les rideaux de la bibliothèque dans laquelle elle avait choisie de faire sa chambre. Annabelle repoussa son drap de ses petits pieds, s'approcha de la fenêtre au bout de son lit et écarta l'épais tissu vert. Un cri de joie presque silencieux lui échappa. Elle n'en revenait pas, il avait bien neigé cette nuit, comme Pénélope, sa femme de chambre, l'avait prédit. Un long manteau blanc avait recouvert la ferme et toute la végétation alentour. Quand d'autres auraient préféré rester au chaud chez eux devant un bon feu de cheminée, Annabelle, elle, au contraire, avait une toute autre idée en tête.

Elle enfila sa robe bleu roi, posée la veille sur une chaise, et ses bottines de cuir marron avec ses hautes chaussettes blanches. Toute souriante, ce qui n'avait pas été récurrent ces derniers temps, elle se précipita vers la porte. Elle tourna la poignée, prit soin de descendre les escaliers, le plus délicatement possible afin de ne pas réveiller toute la maison et s'introduisit avec discrétion dans la cuisine. Elle jeta un coup d'œil à la pendule et vit qu'il était un peu plus de huit heures. Par chance, Annabelle se rappela que nous étions samedi et que tous les employés n'arrivaient pas avant encore une heure ou deux. Elle attrapa un panier en osier assez solide pour résister au froid de l'hiver et le remplit de tout ce qu'elle trouva : un pot de confiture à la framboise, quelques tranches de pain bien frais, une petite bouteille de lait de vache et deux pommes. Elle ne tarda pas trop car elle savait qu'elle ne devait pas perdre une minute de plus, son amie Daniela devait sûrement l'attendre.

Elle emprunta la porte aux carreaux de verre, située à l'arrière de la cuisine et mit enfin un pied dehors. Son être tout entier frissonna de plaisir en entendant le craquement délicieux que fit la neige sous ses pas. Le froid était revigorant et le soleil qui se reflétait sur la neige réchauffait le cœur de la jeune fille. Quand elle aperçut la crinière brune et frisée de son amie, près de leur point de rendez-vous devant la petite maison en bois près du lac, elle se précipita vers elle, toute souriante, et la pris dans ses bras !

- Tu n'as pas oublié !, s'exclama Daniela en serrant Annabelle encore plus fort.

Comment pouvait-elle oublier cette tradition qui durait depuis qu'elles s'étaient rencontrées, il y avait environ 4 ans ? Annabelle attrapa sa main gantée et la tira jusqu'au banc sur le petit porche sec de la cabane. Elles savaient qu'à cette heure-ci, le gardien ne serait pas encore arrivé, alors elles profitèrent de cet instant d'intimité pour admirer la brillance du lac gelé. De leur panier respectif, elles sortirent toutes les provisions qu'elles avaient apportées pour ce petit déjeuner spécial et se partagèrent le tout.

- J'ai si hâte que Noël arrive Anna ! Ma maman m'a promis de me faire une bûche aux fruits rouges et mon ventre gargouille déjà de plaisir !

Annabelle se lécha les babines ; Elle avait encore le goût de cette pâtisserie sur les lèvres, l'ayant elle-même déjà dégusté un an auparavant.

Avant qu'Annabelle ne vienne habiter chez ses grands-parents, Marcel et Nicole de Coutais, elle habitait au village, avec ses parents, et Daniela avait insisté pour les inviter tous les trois à leur réveillon de Noël. Annabelle se souvenait parfaitement que l'année avait été rude et les taxes étant de plus en plus élevées, ses parents avaient eu du mal à joindre les deux bouts. Les festivités tombaient plutôt mal. Sans l'aide de son amie, elle savait que ce Noël aurait été d'une tristesse sans nom.

- Anna, tu m'écoutes ?

Annabelle sortit de ses souvenirs pour revenir au moment présent. Elle avait la mauvaise habitude de rêvasser beaucoup trop facilement.