Chapitre 15 : Mesdames et Messieurs

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La veille de l'inauguration de la fête foraine, tous les enfants du village, du moins ceux qui avaient pu, s'étaient réunis très tôt, cachés dans les buissons, pour observer la mise en place de ce qui aller devenir leur nouveau passe-temps, pendant deux semaines. Après l'arrivée de la première roulotte, les enfants n'arrivaient plus à les compter. Les forains qui apparaissaient par dizaines regorgeaient de matériels et d'accessoires que personne n'avait jamais vu ici avant cette date. La troupe s'était installée dans la clairière qui bordait la rivière, à la frontière du village. Tout était coloré, des costumes aux perruques farfelues, jusqu'aux tentes aménagées tout autour du champ ; toute cette belle énergie annonçait un été fabuleux. Le chapiteau prit de longues et pénibles heures avant d'être dressé et Annabelle pouvait quand même apercevoir de sa chambre ses énormes rayures rouge et jaune qui surplombaient les autres installations. Les enfants se léchaient les babines en humant la farandole d'odeurs variées qui planait dans l'air chaud de l'après-midi. Tous se demandaient où pouvaient bien être les animaux et durent attendre le lendemain pour s'apercevoir que les bêtes avaient été rapatriées pendant leur sommeil. 


Annabelle essaya de patienter jusqu'à ce que sa grand-mère lui donne l'autorisation de partir à temps pour aller chercher Isaac avant que les festivités ne commencent. Quand elle arriva devant le petit logis des Balvay, elle fût soulagée de voir Madeleine faire sécher du linge au soleil dans le jardin.

– Je suis heureuse que vous alliez mieux !

– Merci ma petite fille. Je te remercie de tout ce que tu as fait pour nous. En particulier d'avoir bien voulu jouer les précepteurs pour mon grand Isaac, Madeleine annonça-t-elle, reconnaissante.

Annabelle fût ravie d'entendre ces gentils remerciements et se rappela soudain qu'elle avait une promesse à tenir. Maintenant que Madeleine était guérie, elle devrait commencer à prier tous les soirs, et s'y mettrait dès aujourd'hui.

– D'ailleurs il ne va pas tarder à revenir du potager. Il travaille trop, il a bien le droit de s'amuser de temps à autre !, souriait-elle avec bienveillance.

A peine vit-elle arriver son ami, salua la vieille dame avant de s'en aller, pleine d'entrain.

Annabelle courait sur les sentiers, Isaac sur sa trace, en lui répétant qu'ils allaient rater la cérémonie d'ouverture si il ne se pressait pas un peu.

Presque tous les habitants et même une multitude de personnes venant des villages voisins s'étaient rassemblés devant un éclatant ruban rouge, attaché entre deux arbres. Le Monsieur Loyal avait déjà commencé son discours. Annabelle ne pouvait plus retenir sa curiosité et se faufila à travers la foule pour mieux voir, perdant Isaac dans son impulsivité. L'Homme en uniforme rouge avec son chapeau haut de forme dressé sur la tête coupa enfin le ruban à l'aide d'une paire de ciseaux et souhaita la bienvenue à tous ses invités. Les gens se précipitèrent alors et Annabelle fut alors emportée avec eux. Tout le monde se précipita pour faire la queue devant les différentes activités proposées. Elle se faisait bousculer et se retrouva coincée entre un groupe de villageois plus vieux qu'elle qui lui parurent soudainement géants.

Sans prévenir, quelqu'un la tira par le bras et la fit sortir de cette embûche. Un garçon basané aux yeux d'un vert émeraude, presque irréel, proliféra des mots d'une langue inconnue.

– Je suis confuse, je ne vous suis pas, Annabelle perdit ses moyens. Elle venait de parler à ce garçon aussi formellement qu'elle l'aurait fait face à un prince. " Merci ", finit-elle par conclure, prenant conscience qu'elle n'avait pas à être si intimidée par un jeune forain. Il était vêtu de piètres habits, sales et arrachés, mais Annabelle ne pouvait quitter ses yeux du regard. Il posa alors sa main bronzée sur son torse et prononça un mot avec le plus de clarté possible.

Annabelle de CoutaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant