Chapitre 22 : L'internat rue Molière

27 2 0
                                    

Le cocher ordonna à son cheval de ralentir et l'estomac d'Annabelle, peu nourrit, se serra d'avantage. Elle n'avait même plus assez d'eau dans le corps pour laisser s'échapper une larme de plus. Elle n'avait pas toujours digéré la trahison de sa propre famille. Son grand-père aurait dû lui dire la vérité avant qu'elle ne l'apprenne par quelqu'un d'autre et qu'elle soit prise au piège dans une ville où elle ne voulait pas vivre.

Et en plus de cela, Annabelle s'apprêtait à devoir dire au revoir à Louis, son seul allié depuis son arrivée à Paris. Quand elle sortit du véhicule, derrière sa cousine, elle ne pû s'empêcher de se jeter dans les bras du major d'homme, surpris par cette impulsivité.

– Annabelle enfin. Quelles sont ces manières ? Et si quelqu'un voyait cela ?, Clothilde regarda autour d'elle, offusquée.

– Entrez Madame. Laissez-moi lui parler.

– Je me demande bien ce que tu pourrais lui dire de plus Louis. Mais au point où nous en sommes... , s'agaça la grande dame avant de s'éloigner.

Louis mit à distance la fillette, ses grandes mains sur ses épaules. Tout en se baissant, il dit à voix basse :

– Vous ne devez plus pleurer. Promettez-moi de ne plus verser une seule larme. L'idée même de vous savoir triste me fendrait le cœur. Maintenant, écoutez-moi bien mademoiselle. Vous ne serez pas seule. Souvenez-vous que peu importe où vous vous trouver, il y aura toujours quelqu'un pour vous épauler. En attendant, obéissez bien aux sœurs et ne vous attirez surtout pas d'ennuis. Plus vous ferez ce que les adultes attendent de vous, plus la vie sera facile. Je ne dis pas que ce sera une mince affaire.Vous mettrez certainement longtemps à vous y habituer et c'est tout à fait normal. Croyez-en mon expérience.

Annabelle écouta les paroles de l'homme et chaque mot vint se loger dans son esprit, gravé, comme de la pierre.

– A très bientôt Mademoiselle. Tirez le meilleur des pires situations.

Il l'invita à rejoindre sa famille qui l'attendait devant la porte de la bâtisse. Elle s'apprêtait à s'avancer quand elle reconnut un passant sur le trottoir d'en face.

– Gus ! Gus !

Le rouquin chétif qu'elle avait rencontré la veille tourna la tête en entendant son prénom. Muni de sa sacoche, il distribuait tranquillement le courrier.

– C'est moi, Annabelle !

Gus sourit à ce visage familier mais Clothilde empêcha sa nièce de courir vers lui. Elle ne commenta pas la scène et se contenta de fixer Annabelle d'un regard sombre et terrifiant. La fillette ne pouvait rien faire de plus à part baisser la tête et suivre le reste du groupe à l'intérieur. Il fallait qu'elle suive ses conseils de Louis.

– Un paysan, maintenant un coursier ... Ma pauvre cousine !, s'exclama Bertille.

– Je compte sur toi ma chérie pour la présenter à tes amies. Elle ne pourra jamais côtoyer des personnes dignes de notre rang si elle passe ses journées dans la rue.

Leur habitude de juger les plus pauvres dégoutait Annabelle au plus haut point. Elle faisait autrefois partie de cette catégorie. Sur le moment, cette vie avec ses parents paraissait ne jamais avoir existé.

La scène se répétait en boucle dans sa tête et elle regrettait déjà de devoir se soumettre à leur bon vouloir. Quelques secondes plus tard, une femme s'approcha les mains nouées derrière sa robe noire. Une cornette blanche venait entourer son visage ridé et Annabelle déglutit, impressionnée par l'imposant personnage qui venait les accueillir. La dame se présenta sous le nom de " Mère supérieure " et Annabelle en conclut instinctivement que c'est elle qui tirait les rênes de l'établissement.

Annabelle de CoutaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant