Chapitre 36 : Le prix à payer

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Tremblant de toutes les parcelles de son corps, Annabelle fit volte face. Même dans l'obscurité totale, elle reconnut sans effort la carrure de Paul qui ce soir-là lui parut bien plus imposante. Elle put également discerner les traits, marqués par la colère, qui occupaient les moindres muscles de son visage ; yeux transperçants, pupilles dilatées, sourcils froncés, mâchoire crispée à en grincer des dents. Elle crut pendant une fraction de secondes avoir affaire à une bête enragée, exactement comme dans les contes de fées.

Mais comme Annabelle ne voulait pas se faire passer pour la coupable qu'elle n'était pas, elle prit sa voix la plus douce et dit :

– Paul ! Je ne m'attendais pas à...

– Alors c'est là que tu te cachais toute l'après-midi ? A fricoter avec ce bon à rien de cocher ? Paul la coupa, sûr de lui. Quel imbécile je fais... J'aurais dû refuser quand Suzanne a insisté pour qu'on l'engage.

Le fils Jacquemin serrait les poings, les bras tendus le long de son corps mince.

– Comment ?, s'étonna Annabelle. Paul, voyons, jamais je ne... ce n'est pas ce que tu crois...

– Ah oui vraiment ? Non seulement je te retrouve ici, prise la main dans le sac et tu oses me mentir par dessus le marché ?

Paul fit un pas en avant, se rapprochant dangereusement de la jeune femme, avant de continuer sur un ton grave :

– Nous ne sommes pas encore mariés mais nous sommes fiancés ! Cela ne te donne pas le droit d'aller voir ailleurs comme bon te semble.

– Paul tu te méprends, ce n'est vraiment pas...

– Très bien. J'attends une explication alors, Paul dit sèchement en refermant ses bras sur son torse.

Annabelle était coincée. Il n'était pas en mesure d'entendre la vérité. Gus était son ami. Si il apprenait qu'elle l'avait retrouvée ivre, elle devrait aussi lui avouer qu'elle avait passé toute sa journée avec Isaac. Et qu'allait-il dire s'il apprenait qu'elle n'était pas la fille que Gus semblait aimer désespérément, mais que c'était en réalité sa petite sœur Suzanne. Trahir Suzanne était impensable. Annabelle ne se le pardonnerait jamais. Elle se retrouvait face à son fiancé au bord de la crise de nerf, malheureusement à court d'idées.

– Je... je ne peux pas te dire. Je te demande simplement de me faire confiance Paul.

Paul était aveuglé par une telle jalousie, qu'aucune excuse, un temps soit peu crédible, ne l'aurait apaisée. Annabelle le comprit en prononçant ces mots.

Sans prévenir, Paul lui attrapa le bras et l'emporta à l'autre bout du couloir. Une telle poigne fit gémir Annabelle, qui lui conjura de la lâcher. Mais rien à faire, Paul était bien décidé à régler ses comptes en privée, loin des quartiers des domestiques.

– Gare à toi si tu alertes qui que ce soit dans cette maison à cause de tes jérémiades, gronda Paul pendant qu'il la traînait dans l'escalier.

Mais qui était cet homme ? Où était passé Paul, ce garçon taquin et bienveillant dont Annabelle était tombée amoureuse ? La situation était si irréaliste que la jeune prisonnière suivait le mouvement, incapable de comprendre ce qu'il était en train de lui arriver.

Une fois passés le pas de la porte, Paul entoura le cou d'Annabelle d'une main sauvage et la poussa jusqu'à ce que son dos vienne se plaquer contre le bois de la porte. Sa poitrine se gonfla et il se mit à respirer aussi fort qu'un taureau prêt à charger son ennemi. Annabelle s'agrippa à l'avant bras de Paul pour essayer de le repousser, mais en vain. Elle tendit la main, qu'elle fit tâtonner le long de la porte, et réussit à atteindre la poignée pour se surélever, commençant à manquer d'air. Annabelle était mortifiée.

Annabelle de CoutaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant