Tout le monde se leva et une pluie d'applaudissements résonna dans toute la salle de l'Opéra. Annabelle n'avait jamais vu autant de fierté dans le regard de son amie Suzanne. Et elle avait de quoi ! Paul, dans son complet bleu marine confectionné sur mesure, son violon calé sous le menton, avait été irréprochable. Annabelle aussi ne pouvait que ressentir une grande admiration face à l'homme talentueux qui allait devenir son époux. Mais pendant toute la représentation, elle n'avait pas pu s'empêcher de voir du coin de l'œil, le siège vide à côté d'elle... Daniela n'était pas venue. Elle avait gardé l'espoir jusqu'au bout, et avait même confié son billet à l'entrée au cas où. Mais au moment où les musiciens saluèrent leur public une seconde fois, elle ne pouvait plus la penser en retard. Ce n'était vraiment pas le genre de Daniela. Alors pourquoi n'avait-elle pas prévenu ?
– Restons encore un peu au balcon. Je veux profiter de la retombée des émotions !, dit Suzanne, qui aurait applaudi jusqu'à s'en faire saigner les mains, en se penchant sans quitter la scène du regard.
Quand les lumières se rallumèrent, les deux jeunes filles observèrent donc, à l'étage inférieur, les sièges se vider.
– J'ai si hâte que tu deviennes ma belle-sœur. Une Jacquemin, comme nous ! Tu sais, je n'ai jamais vu Paul aussi épanoui. Et c'est bien grâce à toi.
Les deux amies se serrèrent fort dans les bras l'une de l'autre, émues par la soirée qu'elles venaient de vivre. Elles décidèrent ensuite de quitter leur loge, sachant que Paul passerait les voir avant de retourner dans les coulisses.
Et quand elles poussèrent la grande porte, Paul arrivait déjà par les escaliers juste en face d'elles. Suzanne lui sauta dans les bras la première.
– Comment j'étais ?, demanda son grand-frère, relâchant son étreinte, même si il se doutait déjà de la réponse.
– Merveilleux ! Grandiose même !, s'exclama la cadette, à la limite des larmes.
Annabelle tourna la tête pour regarder la réaction des spectateurs qui passaient à côté d'eux dans le couloir. Et son corps se glaça de tout son long. Elle secoua la tête, croyant rêver. La silhouette était encore trop loin pour le dire et pourtant... ce visage. Celui qu'elle avait cru voir partout ces derniers temps, qui hantaient même ses rêves et qu'elle aurait cru ne jamais revoir... Mais était-ce encore une hallucination ?
Elle n'eut pas le temps de reprendre ses esprits que Paul la prit dans ses bras, la forçant à détourner le regard.
– Je suis d'accord, tu as été sublime, du début à la fin, le complimenta Annabelle, qui rassembla toute sa concentration pour trouver ses mots et ne pas paraître déboussolée .
Il lui déposa un doux baiser sur le bas de sa joue, juste au coin de ses lèvres. Consciente qu'on la regardait et surtout de qui la regardait, sans comprendre pourquoi, Annabelle se sentit gênée et feignit un sourire.
– Partez sans moi, dit Paul, je vais retrouver l'orchestre en coulisse pour fêter notre triomphe. On se retrouve à la maison, d'accord soeurette ?
– Ne tarde pas trop. Père et Mère vont être impatients de te féliciter, ils vont être si fiers de toi mon frère, ajouta Suzanne alors que l'intéressé, sans cacher son empressement, avait déjà disparu, aussi vite qu'il était arrivé ; ce que ne remarqua pas Annabelle. Elle était bien trop occupée à observer la silhouette s'approcher d'elle d'un pas lent.
Tout se bousculait dans sa tête, voyant que ses doutes devenaient une certitude.
– Nous y allons ?, s'empressa de dire Suzanne.
– Je... te retrouve dans la voiture, donne-moi quelques minutes.
– D'accord..., Suzanne arqua un sourcil avant de rejoindre la cage d'escalier à son tour.
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Annabelle de Coutais
Ficción históricaAnnabelle, jeune villageoise française de 12 ans est élevée par ses parents dans un village de campagne. A l'été 1879, quand ses parents décèdent brutalement, Annabelle se retrouve à vivre une vie bourgeoise pleine de nouvelles règles dans le Châtea...