Chapitre 31 : Ne pas regarder en arrière

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– Je n'arrive pas à croire que tu repartes déjà, Daniela essaya de dire en retenant ses larmes. J'attendais ce moment depuis si longtemps et... J'aimerai tout recommencer pour profiter encore plus de toi.

Annabelle prit sa grande amie dans ses bras. La journée éreintante de la veille l'avait rendue encore plus sensible que de coutume.

– Ce n'est que partie remise. En attendant, Marius saura veiller sur toi. Et moi, je te fais la promesse solennelle de ne plus attendre aussi longtemps pour venir te rendre visite. Et qui sait, peut-être que tu pourrais enfin venir visiter Paris ?

Annabelle se força à sourire pour ne pas fondre en larmes à son tour.

– Et j'espère de tout mon cœur que tu pourras pardonner l'attitude inacceptable de mon petit frère. Tu as bien fait de le remettre à sa place, même si ça a dû t'arracher la gorge. Cette crapule n'a eu que ce qu'il méritait.

– Rien, ni même Philémon, n'aurait pu gâcher ce moment si précieux.

Les deux jeunes filles joignirent leurs mains ensemble, toutes les deux secouées par l'émotion. Elles restèrent figées, sourire crispé, comme pour suspendre le temps quelques secondes de plus et pouvoir capturer le visage de l'autre dans leur mémoire.

Gus, qui avait profité d'un lit douillet à l'auberge et de sa journée à la campagne pour

" absolument ne rien faire ", était venu tôt le lendemain des noces. Il attendait patiemment sur le siège du véhicule, faisant jouer un brin de blé entre ses dents.

Annabelle se tourna alors vers lui et l'interpella pour lui rappeler qu'il était hélas temps de prendre congé.

– Ne tardons pas ma bonne dame, ou je pourrais prendre goût à cette vie paisible, fit savoir Gus en remettant sa casquette sur sa tête.

– Au revoir mon Anna ! A très bientôt ! Et surtout, n'oublie pas de m'écrire cette fois-ci !, criait Daniela à son amie alors que la calèche quittait la cour de la ferme familiale.

Annabelle lui lança quelques baisers depuis sa fenêtre.

– C'est promis ! Et toutes félicitations aux nouveaux mariés ! Au revoir Madame Langlet !

Annabelle se pencha dans le vide pour des signes de la main, jusqu'à ne plus apercevoir la silhouette de son amie de toujours. Tout en gardant l'espoir de pouvoir revenir très prochainement. Contrairement à la dernière fois, quelques années de cela, elle avait pu quitter son amie dans les meilleures conditions. Donc c'est avec le cœur rempli de chagrin mais soulagé qu'elle se rassit dans la banquette de la voiture.

Mais seulement après quelques minutes de trajet, Annabelle ressentit un lourd soupçon de culpabilité. L'image du Château de Coutais vint s'inviter dans son esprit et elle repensa à son grand-père Marcel, qui avait été si présent pour elle. Elle savait qu'elle le regretterait si elle quittait la région sans y faire escale. Elle pouvait bien étendre son séjour ici d'un dernier arrêt. Son ventre se serra à l'idée d'y remettre les pieds après tout ce temps, mais elle profita de cet élan de courage, pour demander à Gus d'emprunter un autre chemin. Elle savait qu'elle n'aurait pas la force de s'y éterniser, sous peine de remonter tout un tas de souvenirs à la fois délicieux et contrariants. Mais elle voulait juste s'en approcher le plus possible.

Quand Gus ordonna au cheval de s'arrêter devant l'entrée de la demeure, Annabelle ne tarda pas une seconde pour ouvrir la portière, de peur de ne bientôt plus en avoir la force. Elle s'appuya sur le marchepied puis atterrit délicatement sur les graviers. Au même moment, derrière la grande porte, des voix, semblant familières, résonnèrent depuis le hall.

Annabelle de CoutaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant