Chapitre 18 : Une proposition alléchante

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Toute la famille de Coutais attendait Annabelle avec impatience, peut-être un peu trop, dans le salon du château. Ils étaient tous prêts à lui sauter dessus tels des fauves affamés.

Quand elle fit enfin son apparition dans la pièce, ce fut comme s'ils avaient répété leur texte avant une représentation.

– Et bien Annabelle, qu'as-tu à dire de ton comportement ?

La jeune fille, prise de cours, aurait nettement préféré faire demi-tour en courant pour éviter tout conflit.

Bertille, elle, toute fière de sa comédie, se cachait derrière les jupons de sa mère et regardait la scène avec un rictus satisfaction.

– Réponds quand ton oncle te parle enfin !, pestifera sa grand-mère qui prit part à la dispute.

– Ne fait pas semblant d'être innocente !, Bertille s'interposa pour mettre Annabelle face à ses problèmes. Mère, ne voyez-vous pas qu'elle et ses amis fermiers font tout pour m'humilier ?

Clothilde posa la main sur l'épaule de sa progéniture et Annabelle savait que sa cause était perdue d'avance.

– Bien sûr ma princesse. Je ne suis pas étonnée. J'avais dit à votre époux, Nicole, de ne pas mêler les serviettes avec les torchons.

– Je vous avoue très franchement que je n'ai aucune idée du sort que lui a jeté cette petite morveuse mais il n'y a rien à faire, il se trouve toujours de son côté, s'apitoya la doyenne.

– Il ne fait pas bon de rester ici trop longtemps.

Clothilde ne pouvait plus voir la campagne en peinture. Elle n'avait qu'une envie, retourner à Paris dans ses appartements, où elle pouvait tout diriger. Admirer les paysages idylliques depuis les tableaux de son propre salon lui suffisait amplement.

– Voyons ma chère, ne précipitons pas les choses. Le dîner est bientôt prêt. Détendons-nous et laissons passer la nuit. Elle est bien connue pour porter conseil.

Nicole de Coutais avait attendu leur venue avec tant de hâte qu'elle repoussait avec horreur la simple pensée qu'ils écourtent leur séjour.

Annabelle résigna quand elle remarqua l'absence de son grand-père. Elle aurait aimé se sentir soutenue par la seule personne qui la comprenait dans cette maison. Le pauvre homme ne s'était pas senti bien de toute la journée et avait été forcé de rester dans son lit. Nicole prétexta qu'il ne s'agissait que d'un simple rhume des foins mais ce dont Annabelle était certaine, c'est qu'elle ne devait pas s'attendre à voir son grand-père redescendre manger avec eux ce soir.

Le dîner fût plutôt agréable malgré tout et Annabelle mangea avec grand appétit. Etrangement, ses journées passées au grand air à courir et à jouer avec ses amis lui creusaient l'estomac. Elle se resservit une seconde fois, ce qui fit le bonheur de la cuisinière. Les autres, de toute évidence, n'étaient pas de cet avis et Clothilde ne manqua pas de le faire remarquer.

– Ne soyez pas étonnés qu'elle soit si ronde Nicole. Regardez comment elle s'empiffre. Même un cochon aurait plus de retenue.

Ce reproche inattendu coupa Annabelle en pleine bouchée. La fillette reposa sa fourchette, les joues rouges d'embarras. Elle attendait que sa grand-mère la contre-dise, elle qui savait parfaitement qu'elle avait passé des mois à ne presque rien manger, et que l'abondance de nourriture n'avait pas été la cause de sa prise de poids. Malheureusement, celle-ci se contenta d'acquiescer et de suivre sa belle-fille.

Ce soir-là, son oncle paraissait plus détendu et moins agacé par les moindre faits et gestes de sa nièce. Il arborait un sourire qui frôlait la malice mais Annabelle préférait cela à ses sourcils froncés et son regard insistant.

Annabelle de CoutaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant