Chapitre 40 : Maintenant ou jamais

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– Quand avez-vous prévu de prendre le train ?, demanda Suzanne, qui s'était postée à la fenêtre de sa chambre.

– Dans deux jours, au petit matin... Ne crois-tu pas que je pourrais descendre par le balcon ?

Suzanne tourna la tête vers son amie la mâchoire grand ouverte :

– C'est beaucoup trop haut et trop dangereux ! Tu te casserais une cheville avant même de pouvoir atteindre le sol. Rien ne pourrait t'aider à escalader la façade... J'aurais dû demander à ce qu'on y plante des lierres ou je ne sais quelle plante grimpante !, s'agaça-t-elle.

– Tu ne pouvais pas savoir. Et tu n'aurais jamais dû avoir besoin de t'enfuir par la balustrade de ta propre chambre !

Les pensées négatives d'Annabelle brouillaient sa perspicacité.

– Tu ne peux pas rester un jour de plus. Si Paul venait à nous prendre par surprise et compromettre nos plans d'évasion, l'opportunité sera vaine. C'est ce soir ou jamais.

– Mais comment vais-je pouvoir prévenir Isaac, coincée dans cette tour d'ivoire ?, s'inquiéta soudain Annabelle.

En passant son regard à travers la fenêtre, une illumination apparut dans l'esprit de Suzanne. Elle lui conta que certains soirs, Gus avait pris l'habitude de venir la voir à son balcon. S'il venait à réitérer sa visite, elle n'aurait qu'à lui jeter une note qu'il donnerait à Isaac, avec toutes les indications sur le revirement de situation. Il était leur seul espoir. Alors Annabelle rédigea la note et Suzanne plia la feuille en un joli avion en papier.

– Où donc as-tu appris à faire cela ?, la questionne Annabelle, impressionnée.

La jeune blonde ne répondit pas et se contenta de rire, fière de son coup.

Les heures furent longues à attendre l'arrivée du cocher. Néanmoins, les deux jeunes filles avaient pu profiter de leur temps libre, ou plutôt forcé, pour réunir quelques affaires, seulement de nécessaire, dans un drap qui pourrait leur servir de baluchon. Suzanne y incorpora quelques vêtements fins, et un peu d'argent qu'elle avait caché au fond d'un tiroir.

– Cela vous servira au moins à couvrir les billets du train et du bâteau réunis, annonça Suzanne après avoir compté les pièces.

– C'est beaucoup trop...

– Et pourtant si peu..., avoua la fille Jacquemin. Cet argent ne m'aurait été d'aucune utilité de toute manière.

Annabelle prit sa chère amie dans ses bras pour la remercier et à ce moment-là, un coup résonna contre la vitre de la fenêtre. Exactement comme le bruit que ferait un cailloux... Suzanne s'empressa d'aller écarter le rideau vert. C'était Gus, qui arrivait à point nommé.

– Mademoiselle Suzanne ! Je dois vous parler..., murmura le garçon en enlevant sa casquette pour exposer sa chevelure rousse et en pagaille aux rayons de la lune.

Annabelle s'approcha de la rambarde, curieuse de savoir ce qu'il avait à lui proférer. Mais Suzanne ne lui en laissa pas le temps.

– Cela devra attendre Gustave. Attrape ceci !

La Juliette lança l'avion de papier en direction de son Roméo. La forme triangulaire vire-volta un instant, porté par le vent, et atterrit sur les graviers au pied du garçon.

– Comme tu m'as montré..., glissa-t-elle au cocher, qui ouvrit grand les yeux et haussa les sourcils d'un air ravi.

Annabelle fut attendrit par la scène et en oublia presque pourquoi elle se trouvait dans cette chambre, spectatrice de cet amour innocent.

Annabelle de CoutaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant