Chapitre 19 : Première nuit à Paris

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Annabelle examinait les lieux et essayait en silence d'en faire un plan dans sa tête. Les marches en pierres blanches donnaient sur le hall, adjacent au grand salon. La cuisine, garde manger et blanchisserie se trouvaient à l'étage d'en dessous, qu'Annabelle aurait plutôt appelé la cave. Les chambres étaient situées à l'étage : celle de son oncle et tante d'abord, où était cachée dans une pièce au fond du bureau. Nicola de Coutais la quittait rarement, pour le peu de temps qu'il passait dans cette habitation. Suivit ensuite la chambre de Bertille, qui était toute enjouée de montrer la masse de jouets et décorations qui lui avait été offerte au fil des années. Maison de poupées en porcelaine toutes alignées sur une étagère, autres jeux en bois qui jonchaient le sol, un cheval à bascule... L'imposant coffre en bois faisait comprendre à Annabelle que la liste était encore longue. Les murs étaient tapissés d'un motif à fleurs roses et on ne pouvait passer à côté de sa coiffeuse flambant neuve. Bertille n'omit pas de se pavaner devant son invitée en lui montrant ses plus beaux atouts, répartis dans une armoire et une commode du même style. Dans la chambre de sa cousine se trouvaient également une armoire accompagnée d'une commode du même style.

– Louis a déposé vos affaires dans votre chambre. Veuillez me suivre mademoiselle, lui annonça Constance, la femme de chambre de Bertille, avec un ton complètement différent de celui qu'elle employait avec sa cousine.

Annabelle n'avait décidément pas de chance si on lui assignait cette femme de chambre. De toute manière, à part Bertille, personne n'avait l'air de lui porter beaucoup d'intérêt. Pas étonnant, vu le regard dédaigneux qu'elle lançait autour d'elle. Il était clair que sa cousine n'était rien d'autre que la petite princesse dans son Château et Annabelle la demi-sœur à haïr. Il ne lui manquait plus que des rongeurs comme compagnons de chambrée.

Arrivée devant sa chambre, Annabelle cligna des yeux trois fois avant de vraiment comprendre ce qui se dessinait sous ses yeux. Réflexion faite, il n'y avait pas grand-chose à noter. La pièce était tout simplement vide. Vide de meubles, et encore pire, de vie. Tandis que Constance décida de laisser la nouvelle venue « s'accommoder » à ses quartiers, Louis manqua de la bousculer en apportant un dernier sac près de son lit. La servant déguerpit en rouspétant.

– C'est encore peu coquet mais ne vous en faites donc pas, tout sera à votre goût en un claquement de doigts.

Annabelle se peina de voir que le major d'homme la prenait pour une capricieuse, éternelle insatisfaite, comme sa cousine.

– Je ne reste que pour quelques semaines, rien ne sert de re-décorer, déclara la jeune fille.

Quand l'homme lui sourit en guise de réponse, Annabelle remarqua qu'il n'y avait en lui rien d'artificiel. Il avait l'air sincère. Il se posta à côté d'elle dans l'encadrement de la porte blanche et contempla la chambre d'un soupire.

– Madame attendait un heureux événement, il y a de cela des années maintenant, mais je m'en souviens comme si c'était hier. La maison n'avait jamais été si joyeuse, surtout la maîtresse de maison, ponctua-t-il son commentaire d'un clin d'œil. Le sourire de tout le monde a disparu quand nous avons appris qu'elle avait perdu le bébé. Ce devait être sa chambre...

Annabelle comprit alors pourquoi elle était vide. Ils n'avaient même pas pu la remplir de souvenirs. Pour la première fois depuis le début de l'été, Annabelle ressentie de la pitié pour sa tante. Louis lui expliqua également que plus personne n'osait y entrer. Elle était en quelque sorte bannie de tous.

– Moi je suis bien content de votre arrivée Mademoiselle. Je compte sur vous pour redonner à cette chambre tout le bonheur dont elle a été privée.

Sur ces mots, le major d'homme s'en alla, laissant Annabelle seule avec ses pensées.

Après quelques pas sur le parquet grinçant, elle s'assit sur son lit et prit une grande inspiration. Elle se retenait fortement de pleurer mais se consolait en se disant que trois semaines, ce n'était pas si long. Il fallait qu'elle en profite avant de retrouver tous ses camarades et ses repères au Château de Coutais qu'elle considérait dès à présent comme sa maison.

Annabelle de CoutaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant