Chapitre 9 : Légèrement amer

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Deux semaines venaient de passer et le mois de Mars allait bientôt faire son apparition. Le dernier mercredi de Février, Annabelle était prête en avance et guettait l'arrivée des Balvay, comme tous les matins, à la fenêtre de la cuisine. Dorothée n'aimait pas l'avoir dans les pattes et ce matin-là, personne ne savait pour quelle raison, elle ne tenait plus en place et dansait joyeusement dans la pièce. Quand elle aperçut le cheval de son ami au loin, elle enfila son manteau qu'elle avait préalablement posé sur le dos d'une chaise et emprunta la porte de derrière pour aller à leur rencontre. La veille au soir, Dorothée et elle avaient préparé de jolies tartelettes au citron et Annabelle n'attendait plus qu'une chose : que ses amis lui fassent des compliments sur sa cuisine et en réclame d'autre. Lily n'était pas la seule à pouvoir faire plaisir à Isaac avec des petites douceurs. Plus elle s'approchait de la calèche, plus elle pouvait distinguer les silhouettes... ou plutôt l'unique silhouette, celle du Père Balvay qui faisait avancer le cheval. Quand ils arrivèrent à hauteur l'un de l'autre, ils se saluèrent, comme tous les jours et le vieil homme répondit à la question qu'elle mourrait d'envie de poser.

– Isaac ne viendra pas à l'école aujourd'hui. Madeleine est tombée malade et je ne peux pas m'occuper d'elle, ainsi que du magasin et des bêtes tout seul.

Emile Balvay commençait à se faire vieux et en faisait déjà beaucoup plus qu'il ne le devrait. Sans l'aide de Madeleine et surtout de son soutien moral quotidien, il avait besoin d'Isaac pour l'épauler.

Annabelle comprenait la situation. Elle était très triste que Madeleine, qu'elle considérait comme sa propre famille, soit faible et clouée au lit, elle qui ne prenait jamais une seconde pour se reposer. " Le repos n'existe que pour les riches et les fainéants. La nuit me suffit amplement pour reprendre des forces ", répétait-elle depuis qu'elle la connaissait.

– Isaac et moi devons vérifier qu'elle se repose bien et qu'elle n'est pas déjà en train de nettoyer compulsivement la maison toute entière, souriait Monsieur Balvay. Le docteur doit passer dans la journée pour lui prescrire les médicaments indispensables à sa guérison. Ce ne doit être que de la fatigue mêlée à un bon rhume.

En cours de mathématiques, Annabelle se morfondait de ne pas voir le sourire compatissant qu'Isaac affichait quand elle luttait pour ne pas fondre en larmes devant les fractions. Il lui manquait au plus au point et n'était pas là pour lui souffler les réponses comme il le faisait à chaque fois. A l'heure du déjeuner, elle décida de ne pas partager ses pâtisseries avec tout le monde au moment où elle entendit Lily se proposer pour en ramener à la famille Balvay.

– Ne t'embêtes pas Lily, j'ai déjà ce qu'il faut dans mon panier, je leur apporterai en sortant de l'école.

Annabelle lui montra les tartes au citron qui attendait patiemment d'être mangées dans son panier.

– J'espère que tu as bien dosé le citron et que ça ne sera pas trop amer pour Isaac, il adore quand c'est sucré. C'est pour cela que je lui en fais à la pomme, plutôt. Lui répondit-elle, comme si elle le connaissait mieux qu'Annabelle.

– Isaac n'est pas difficile, je suis sûre qu'il sera ravi et trouvera cela succulent, répliqua Annabelle.

Daniela arriva en plein milieu de la conversation, fière de son amie. Elle aimait la voir défendre ses propres intérêts et ne pas se laisser faire.

– Quelqu'un devrait lui apporter les devoirs et les leçons du jour, remarqua Lily, pleine de bonnes intentions. Je pourrai...

– Je t'ai devancé, la coupa Daniela, je suis allée en parler à Monsieur Loiseau et il a proposé qu'Annabelle s'en charge. Les Balvay habitent dans le domaine de ses grands-parents, c'est plus pratique.

Annabelle de CoutaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant