Chapitre 38 : Aux aguets

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Ce que Paul ignorait, c'était qu'Annabelle avait eu toute la nuit pour réfléchir. Et en entrant dans la cabine à côté de son amie, elle avait déjà tout planifié. Elle demanda aussitôt à son amie de l'internat de l'écouter attentivement sans poser de question.

– J'ai besoin d'aller rendre visite à mon ami Isaac à l'auberge où il réside depuis quelques jours.

– Ton ami d'enfance ? De la campagne ? Je pensais qu'il avait quitté la ville !

– Ce n'est d'aucune importance. Écoute-moi. (Elle posa ses mains sur les cuisses de la fille Jacquemin assise en face d'elle et verrouilla son regard dans le sien pour lui montrer l'importance de sa requête.) Promets-moi de suivre mes instructions à la lettre.

La jeune blonde acquiesça sans tergiverser. Annabelle lui demanda de transmettre un papier à Isaac, qu'elle avait rédigé la veille, chambre 10 au dernier étage.

– Pourquoi ne peux-tu pas le faire toi-même ?, Suzanne l'interrogea, curieuse et confuse.

Mais en voyant qu'Annabelle se pinçait les lèvres, secrète, Suzanne capitula :

– Pas de question. Compris.

Annabelle lui fit ensuite promettre solennellement - d'un serment de l'auriculaire - de ne pas prendre connaissance de ce que le message contenait. Sous aucun prétexte.

– Remet-lui, en main propre et redescend immédiatement d'accord ?

– D'accord. Mais tu commences vraiment à me faire peur, je n'aime pas ça.

– Tu ne risques rien, je peux te l'assurer.

Suzanne lui affirma qu'elle pouvait compter sur elle et une fois le véhicule arrêté devant la taverne, elle sortit sans attendre remplir sa mission.

Les minutes qui suivirent paraissaient incessantes ; le corps tout entier d'Annabelle tremblait sans qu'elle ne puisse l'en empêcher. Une boule s'était formée dans sa gorge. Et si Paul avait vraiment engagé deux sbires pour surveiller ses moindres faits et gestes ? Elle remercia silencieusement Suzanne d'avoir accepté de lui faire confiance. Prendre le risque d'être vu avec Isaac était hors de question.

La porte du carrosse s'ouvrit et Suzanne se faufila à l'intérieur pour reprendre sa place.

– C'est bon, lui chuchota-t-elle, signe pour Annabelle de demander à Henry le cocher de mettre le cap vers une rue commerçante.

Les deux camarades entrèrent d'abord dans une boutique qui confectionnait des costumes pour hommes. Annabelle s'était retrouvée à devoir mentir à Suzanne, ce qu'elle n'avait jamais fait depuis qu'elles se connaissaient, et lui prétexta que Paul lui avait demandé d'aller lui dégoter un costume pour le mariage. Annabelle savait que Suzanne serait tellement investie par ces achats qu'elle ferait moins attention à l'attitude étrange d'Annabelle.

– Pourrais-je te laisser le privilège de chercher quelques modèles qui pourraient plaire à ton frère ?

– Pour que tu puisses garder la surprise le jour J ?, s'emballa Suzanne, portant sa main à son cœur. Elle était émue par cette idée, qui était selon elle, digne de la plus belle des romances.

– Oui, c'est pour cela que j'ai insisté pour que tu m'accompagnes.

– Je suis honorée. Je ne te décevrai pas.

Annabelle resta alors dans l'entrée du magasin à regarder son amie parcourir les étagères en fronçant les sourcils, concentrée. Soudain, se retenant de regarder l'aiguille qu'indiquait la pendule du commerce, Annabelle entraperçut le passage d'une silhouette familière de l'autre côté de la vitrine. Elle avait détourné le regard juste à temps pour reconnaître le chapeau d'Isaac.

Annabelle de CoutaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant