Chapitre 29 : Retour aux sources

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Durant une année entière, jusqu'à ce que le printemps refasse son apparition, Paul prenait en secret des cours de violon au conservatoire de musique. Il s'épanouissait de jour en jour et Annabelle ne se lassait pas de cette atmosphère studieuse et détendue. Parfois, il aimait lui donner des petits concerts rien que pour elle, pour qu'elle puisse constater sa progression. Son oncle et sa tante la laissaient un peu plus tranquille. Petit à petit, ils s'habituèrent à ce qu'elle passe du temps avec Paul et ne firent plus de réflexion déplacée. De toute manière, ils s'avaient rien contre le fait qu'elle se soit liée d'amitié avec sa soeur. Rien ne lui empêchait de la voir elle. Et cela ne serait pas de sa faute si Paul se trouvait comme par hasard au même endroit, au même moment.

Sa cousine Bertille, au contraire, faisait défiler les prétendants à la porte de leur hôtel particulier, ce qui déplaisait bien évidemment à tout le reste de la maison. Elle aimait l'attention que ces jeunes hommes lui portaient et elle les fréquentaient à tour de rôle, éternellement indécise. Mais Clotilde se forçait à être de son avis, ne souhaitant pas donner la main de sa fille unique (et unique était un terme qui la définissait bien) à n'importe qui.

Annabelle se fichait pas mal de rencontrer le potentiel futur époux de sa cousine et préférait sortir se promener dans Paris en compagnie de Suzanne. Et Gus n'était jamais loin pour les conduire là où elles le désiraient. Elles aimaient en particulier lire sur le banc d'un parc. Tellement qu'elles le faisaient au moins une fois par semaine. C'était devenu leur petit rituel ; elles s'occupaient de leur lecture respective, côte à côte, sans prononcer le moindre mot pendant des heures. Puis finissaient par donner leur avis dans la voiture, sur le chemin du retour.

Mais un jour où Annabelle revenait d'un de leur rendez-vous hebdomadaire et se dirigerait vers les escaliers qui menaient vers sa chambre, Louis l'interpella. Il avait l'air anxieux, ce qui n'était pas dans son habitude.

– Mademoiselle pourrait-elle me suivre dans la cuisine ? J''ai quelque chose d'urgent à lui communiquer, dit-il avant de partir comme un courant d'air.

Intriguée par son attitude, Annabelle fit attention que personne ne la voit et se faufila jusqu'à la cuisine.

– Qu'y-a-t-il de si important Louis ? Vous me feriez presque peur.

– Maintenant que Mademoiselle est grande, Mademoiselle doit savoir. Mais ne parlez à personne de notre échange.

– Tout ceci est si mystérieux Louis... Allez-vous m'expliquer ce que cela signifie ?

Louis partit ouvrir un tiroir non loin d'eux et en extirpa une enveloppe cachée sous une pile de linge de cuisine.

– Encore des admirateurs de Bertille ? se moqua Annabelle pour détendre l'atmosphère.

Louis lui fit signe de baisser d'un ton.

– Vous n'y êtes pas du tout. Voyez par vous-même.

Annabelle s'empara de la lettre avec délicatesse. Comme si elle était à retardement et qu'elle pouvait exploser entre ses mains à tout moment. Elle laissa échapper un hoquet : la lettre lui était adressée. Elle n'en avait pas reçu depuis... Et avant de finir sa pensée, elle retourna l'enveloppe pour lire le nom du destinataire qui y était inscrit. Elle n'en pu en croire ses yeux. Son cœur se serra quand elle vit le nom de Daniela écrit à l'encre noire sur le papier. C'était bien son écriture, elle la reconnaissait à présent. Annabelle releva les yeux en direction de Louis, qui attendait de voir sa réaction. Cela ne pouvait être possible.

– Madame a réceptionné de nombreuses lettres venant de vos amis, après votre arrivée.

– Oui, mon oncle et ma tante ne voulaient plus que je corresponde avec eux... Je n'ai jamais eu de leur nouvelle depuis... , Annabelle se retint de sangloter, au souvenir de sa tante jetant au feu la dernière lettre qu'Isaac lui avait envoyée.

Annabelle de CoutaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant