A midi exact, quand les cloches de l'église résonnèrent dans le village ce dimanche matin, les élèves étaient prêts à indiquer à tout le monde le chemin jusqu'à la maison abandonnée. Plus haut, près du vieux moulin, la grande porte blanche et abîmée s'était à peine entre-ouverte que tous criaient dans tous les sens. " Grand vide grenier ! Premier arrivé, premier servi ! " Ils avaient un grand avenir dans le commerce, Annabelle n'en avait pas le moindre doute. Elle accompagna les premiers suiveurs jusqu'à chez elle, où étaient disposés quelques meubles au devant de la maison pour servir d'appâts. Plus le temps passait, plus les villageois arrivaient en masse et la plupart trouvaient leur bonheur. Eugène était sur tous les fronts ; à chaque fois que quelqu'un souhaitait réserver un objet, il ne laissait personne marchander. La caisse grandissait à vue d'œil et Daniela partageait avec Annabelle une telle énergie que tout se passa avec le sourire. Certaines personnes venaient voir Annabelle pour lui dire à quel point c'était remarquable et qu'ils étaient fiers de voir qu'elle avait repris du poil de la bête. Annabelle aurait sûrement dû avoir les larmes aux yeux mais elle était si heureuse de récolter tout cet argent pour sa tendre amie qu'elle ne pensa pas une seconde à ses parents. Ils auraient été fiers d'elle et personne n'osa penser le contraire.
Vers 14h, Daniela aperçut Edgar arriver dans une charrette et s'arrêter non loin d'une grande armoire. Elle marcha à sa rencontre et demanda à Eugène de la rejoindre une fois qu'il avait fini de discuter avec un couple de personnes âgées qui essayaient de négocier le prix d'un vase.
– Je suppose que tu n'es pas venu pour nous aider, fit remarquer Daniela à Edgar.
Le costaud grimaça.
– Bien sûr que non. Ma mère m'a juste demandé d'aller récupérer cette chose immonde qu'elle a achetée toute à l'heure.
– Tu contribues à une bonne cause ? C'est si inattendu et généreux de ta part !
Il roula les yeux et prétexta qu'il n'avait rien à voir là dedans.
– Edgar deviendrait-il gentil ?, plaisanta Daniela pendant qu'Annabelle et elle le regardaient partir, emportant avec lui l'imposant meuble à l'arrière de son véhicule.
– On le saura peut-être un jour !, lui répondit la fillette, aussi surprise que son amie.
– Tu as remarqué que Marius n'a pas arrêté depuis ce midi ? Il continue de m'épater de jours en jours.
« Enfin un jour où elle disait quelque chose de gentil à son propos », pensa Annabelle.
– Je ne suis pas méchante avec lui ! Il m'agace, tout simplement, la brunette rétorqua-t-elle en posant les poings sur les hanches.
Annabelle se pinça le bout des lèvres ; elle ne s'était pas rendu compte qu'elle avait pensé à voix haute.
Un peu plus tard, quand plus personne n'arrivait, les élèves se réunirent autour des deux tables autour d'un bon gâteau et d'une boisson plus ou moins fraîche désormais. Ils avaient fait de bonnes affaires. Grâce aux efforts qu'avait fournis Eugène, il ne restait plus beaucoup de pièces à vendre.
Lily interpella Annabelle qui discutait avec son acolyte quelques mètres devant elle. Ses longs cheveux lisses et soyeux n'avaient pas bougé d'une mèche. Même après ce marathon et le vent qui avait soufflé depuis les champs de blé.– J'ai fait des tartes au citron, tu veux y goûter ?
Annabelle plaqua ses cheveux en bataille et déclina l'offre en lui offrant le plus gentil des sourires. Elle préférait la décevoir que la voir se vanter que ses tartes étaient moins amères que les siennes.
Ses camarades partirent chacun leur tour et remercièrent Annabelle pour cette belle journée. Elle attendit que Daniela soit la dernière à rentrer chez elle pour rentrer les derniers meubles à l'intérieur, aidée par le gentil cocher. Ils ne devraient tarder à partir car il y avait encore du chemin à faire jusqu'au Château.
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Annabelle de Coutais
Historische fictieAnnabelle, jeune villageoise française de 12 ans est élevée par ses parents dans un village de campagne. A l'été 1879, quand ses parents décèdent brutalement, Annabelle se retrouve à vivre une vie bourgeoise pleine de nouvelles règles dans le Châtea...