Chapitre 5 : Imprévu

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La discussion très engagée qu'eurent les grands-parents d'Isaac le lendemain matin dans la charrette força Annabelle à repousser sa demande. Elle était finalement plutôt rassurée de ne pas comprendre un traître mot de ce qu'il racontait car cela avait eu l'air d'être sérieux et ni elle ni Isaac n'osèrent les interrompre. Quand ils furent enfin arrivés, elle attendit que le véhicule s'éloigne suffisamment pour pouvoir ne pas être entendue. Elle voulait annoncer la nouvelle à Isaac seul à seul dans un premier temps.

– Isaac ?, demanda-t-elle d'une voix si douce qu'elle même ne s'entendit pas.

Tout en continuant de marcher jusqu'au grillage de la cour, il lui fit comprendre qu'il était toute ouïe et l'encouragea ainsi à poursuivre. Cela ne lui apparut qu'à cet instant même, mais elle n'avait jamais pensé à un éventuel refus de sa part. Elle se mit intérieurement à paniquer et à se poser pleins de questions saugrenues. Penserait-il que c'est un geste de pitié ? Pourrait-il en être offensé ? Au fond, elle savait qu'Isaac n'en penserait rien de tel mais une petite part d'elle n'osait demander. Elle qui avait été si extatique la veille au soir ! Il faisait déjà assez froid dehors, mais en plus, voilà que toutes ses pensées vinrent lui glacer le sang.

Isaac s'arrêta, après avoir passé la porte du petit bâtiment qui leur servait de salle de classe et fronça les sourcils d'étonnement.

– Voulais-tu me dire quelque chose ?

Annabelle entre-ouvrit les lèvres mais rien ne sortit. Une voix au loin appela Isaac. C'était Marius qui lui faisait des grands signes depuis son pupitre.

– Je vais aller rejoindre Marius. Tu es sûre que tout va bien ?, Lui demanda Isaac en ôtant son manteau marron et son couvre chef.

Par habitude, elle secoua positivement la tête. Evidemment que tout irait bien, mais ce n'était pas la question ! Elle le regarda s'en aller, impuissante et vexée par son incapacité à produire des sons, jusqu'au moment où Daniela l'attrapa par le bras.

– Tout va pour le mieux mon Anna ?

Annabelle soupira d'énervement. Pourquoi fallait-il que tout le monde lui demande si elle allait bien toute la journée ? Fatiguée de répondre à cette question sotte, elle reprit possession de son bras, laissant Daniela, qui ne voyait pas ce qu'elle avait fait de mal, ahurie par cette attitude anormale. Elle suivit quand même son amie, partie s'asseoir à sa place, les bras croisés. Daniela croisa le regard d'Isaac, et c'était sans aucun doute qu'ils se demandaient exactement la même chose. Certes, Annabelle voyait que sa saute d'humeur était exagérée mais elle ne pouvait le contrôler. Elle n'était pas en colère contre la terre entière, ce qu'on aurait pu penser de l'extérieur, mais c'était surtout à elle-même qu'elle en voulait. Tout le long du cours d'Histoire, Daniela surveillait son amie du coin de l'œil, et Isaac ne pouvait s'empêcher également de poser les yeux sur elle pour constater s'il y avait eu un quelconque changement. Malheureusement pour eux, elle restait immobile, les yeux rivés sur le tableau. Pendant que le professeur eut le dos tourné, Daniela en profita pour tracer un point d'interrogation à l'encre noire sur le cahier de son amie. Celle-ci répondit en transformant la ponctuation en un petit cœur brisé. Son amie n'y comprenait rien et ce n'était pas cette réponse qui allait l'aider. Elle se pencha alors pour pouvoir voir Isaac, qui suivait discrètement au loin, et haussa les épaules, signe qu'elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'Annabelle avait. Isaac espérait du plus profond de son être qu'il n'avait rien dit ou fait pour attiser sa colère, car c'est après l'avoir quitté qu'elle avait changé de comportement. Il avait conscience de sa possible maladresse et même si cela avait été le cas, il n'arrivait pas à trouver ce qui pourrait clocher.

A la récréation, même rengaine : elle n'avait pas quitté cet état d'esprit qui n'avait ni queue ni tête. Sachant qu'elle irait s'installer près de son arbre fétiche, Isaac et Daniela restèrent en classe un moment pour essayer de comprendre. Ni l'un ni l'autre ne pouvaient imaginer quel pouvait bien être son problème.

Annabelle de CoutaisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant