Le lendemain matin, Annabelle se réveilla avec de bons souvenirs de la veille, marqués par les douleurs qu'elle ressentit dans ses pieds en se levant. Non seulement la soirée avait été des plus agréables, mais en plus de cela, elle n'arrivait pas à ôter de sa tête le visage de ce jeune homme à la personnalité si contradictoire. Elle remerciait finalement Suzanne de l'avoir convaincu d'accepter ; car après tout, ils faisaient partie de la même famille, elle ne pouvait que l'apprécier. Elle avait retrouvé en lui hier soir, la douceur et l'humilité de sa cadette, en plus espiègle assurément. A la pensée de le voir rire, elle en sourit à son tour, assise sur son grand lit. Pour la première fois, elle se hâtait de le revoir. C'est Nicolas qui fût surpris quand elle lui demanda l'autorisation.
– Je ne sais pas trop..., son oncle jouait-il la carte du suspens. Peut-être vaudrait-il mieux rencontrer ses parents avant de nous emballer.
Annabelle savait qu'au fond, l'objectif premier de Nicolas n'était pas de rendre sa nièce heureuse et qu'il ne pensait qu'à grimper les échelons de la société. Elle n'en avait que faire de sa mégalomanie. Cependant, il était évident, comme tout lui tombait par magie dans le creux des mains, qu'il obtiendrait ce qu'il désirait. Quand il le désirait.
Il ne fallut que peu de temps avant qu'Annabelle n'apprenne le retour imprévu de Monsieur et Madame Jacquemin, qui avaient soi-disant écourté leur séjour pour venir régler quelques affaires importantes dans la capitale. Paul avait sûrement dû leur parler d'elle avec un peu trop d'engouement.
Depuis cette soirée, les deux familles se rencontrèrent lors de divers évènements et cérémonies. Nicolas ne manquait jamais de sauter sur l'occasion pour discuter business avec Monsieur Jacquemin, entre deux mots gentils sur sa nièce. Et à chaque fois, Annabelle, bien trop intimidée, osait à peine regarder les parents de Paul dans les yeux quand ils lui posaient une question. Leur relation avançait beaucoup trop vite et les deux partis évoquaient déjà la possibilité d'un mariage. Propos tabou qui poussaient généralement Bertille à se plaindre auprès de Clothilde, sa fierté refusant que sa cousine se marie avant elle. Ce qui était sûr, c'était que Bertille faisait bonne impression partout où elle mettait les pieds et que les prétendants pouvaient faire la queue. Mais elle n'était évidemment jamais satisfaite, clamant qu'elle était " trop bien " pour eux tous. Sans exception... Annabelle s'amusait à penser que sa cousine n'aimait peut-être pas les êtres humains tout court.
Pendant ce temps-là, Paul continuait de répéter ardemment avec la troupe quelques soirs dans la semaine, en laissant croire à ses parents qu'il avait adhéré à un cercle social très sélectif. Un club d'élite, très secret. Très fiers de le voir se mélanger au bon monde, ils quittèrent la France, sereins, pour continuer leurs voyages d'affaires. Si seulement ses parents venaient à apprendre la vérité...
– Ce serait très mauvais pour notre réputation, disait Paul sans cesse. Et tout me retomberait dessus. Mes parents auront honte de vouloir faire succéder leur " malappris de fils " à l'entreprise. D'une autre part, ton oncle m'enlèvera tout privilège pour passer du temps en ta compagnie.
– Cela n'arrivera pas Paul, je te le promets. Je sais d'où je viens et je n'oublierai pas, répétait Annabelle pour le réconforter, découvrant leur similarités de jour en jour. Ton statut social et les personnes que tu fréquentes m'importent peu. Au contraire, cela me montre que malgré les apparences, tu es quelqu'un de tolérant. Concentre-toi sur la pièce. Que la troupe n'ait pas fait en sorte de cacher ton identité sur scène pour rien. Amuse-toi, fais ce que tu sais faire le mieux. C'est le plus important.
Le soir de la première, le stresse paraissait sur le visage de chaque comédien. Certains savaient bien le gérer, se contentant d'exercices de respiration ou de secouages de bras. Tandis que d'autres essayaient de se débarrasser de leur peur en faisant paniquer les autres d'avantages. La troupe n'avait pu réserver le théâtre que pour deux représentations, ce qui ne leur donnait que deux chances pour donner le meilleur d'eux-mêmes. Annabelle avait donc accepté de leur offrir son aide et avait été réquisitionnée pour accueillir les spectateurs à l'entrée et de prendre leur ticket. Avant d'aller ouvrir les portes, Paul prit Annabelle à part, derrière la scène.
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Annabelle de Coutais
Tarihi KurguAnnabelle, jeune villageoise française de 12 ans est élevée par ses parents dans un village de campagne. A l'été 1879, quand ses parents décèdent brutalement, Annabelle se retrouve à vivre une vie bourgeoise pleine de nouvelles règles dans le Châtea...