Chapitre 16 - Les lemehiennes : Antiope

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Arjen


Porter des vêtements de Hemel était une chose plaisante. Les habits qu'Amma tissait pour nous étaient inégalables de bien des façons, mais je découvrais que revêtir les tissus de la cité des hommes pouvaient être agréable. Ce n'était pas tant que j'aimais cela ; que j'appréciais d'être étouffée dans les pans de soie précieux, cependant je savais qu'enfiler leurs tenues c'étaient faire un pas vers eux, vers le roi, vers le prince. Je pensais déjà aux visages des miens, indignés, mais celui d'Adiel effaçait les leurs.

— Je craignais qu'une teinte pâle ne vous rende cadavérique, mais les tailleurs ont su, comme toujours, faire honore aux porteurs, exposa le souverain.

Je relevai ma main, observant la jointure entre le vêtement et ma peau. Il n'avait pas tort. Les géants n'avaient pas pour habitudes de voir le soleil. Le ciel de Björsarion était lourd de nuages et les rayons de Sunna, divinité solaire, n'étaient que peu attachés à nos terres enneigées. Nous étions pâles, loin des carnations chaudes des hommes. Je reconnaissais que les couturiers étaient talentueux. Les fins fils d'argent luisaient autant que les perles de rosée durant les matins gelés.

— Rien ne vaut mes fourrures, mais vous avez fait du bon travail.

Je regardai les confectionneurs de cette œuvre afin de leur signifier que ces paroles étaient pour eux. Toujours impressionné, je n'eus droit qu'à un hochement de tête. Je pouvais m'en satisfaire. D'autant plus lorsque mon attention fut détournée par Vindr. Elle vint me bousculer de son naseau et, amusé, je souris avant de tapoter sur sa robe grise. Elle aussi, cela devait lui faire étrange. Je l'empêchais néanmoins d'arracher le tissu.

Je me hissai sur son dos. Il me tardait de voir la réaction d'Adiel. J'invitai le roi et les autres à reprendre la route, contrôlant durement mon excitation face à ma hâte. Vindr le sentait. Son souffle était lourd et ses sabots tapaient parfois frénétiquement le sol. Je semblai avoir moins de liberté dans ses vêtements, mais la réalité était différente : elle m'offrait justement une hardiesse nouvelle, car ce qu'elle représentait était plus important que ce que j'avais pu vivre jusque là.

Aux trots, puis rapidement aux galops, je pris de l'avance sur le roi et les gardes. Je ne voulais pas perdre du temps, et c'était bien pour cela que je m'étais changé à même la plaine, obligeant les hemeliens à détourner le regard. La pudeur était bien une chose qui concernait les hommes, mais assurément pas les géants ! J'avais obtenu, ainsi, un gain de temps considérablement plutôt que de les observer monter une tente. Certainement étaient-ils un peu anxieux de me voir prendre de l'avance, mais suivre Vindr était impossible.

Le vent sifflait dans mon oreille lorsque des bruits de flûte me furent portés. Les rayons de l'astre solaire illuminaient quelque chose au loin, aussi bien sur le sol que ceux qui s'y trouvaient. Je fus aveuglé par l'or de tenues dont les couleurs chatoyantes me plurent particulièrement, mais également par ce qui reposait sur la terre. Les lemehiennes étaient déjà là, rencontrant les hemeliens. Je vis Adiel, serrant étroitement l'une dans ses bras tandis que les géants restaient en arrière.

Vindr hennit puissamment, prévenant chacun de mon arrivée. Ils se retournèrent vers moi et je descendis de ma monture, caressant sa robe grise en guise de remerciement sincère. Lorsque mes pieds se posèrent à terre, j'eus un moment d'immobilité. Amma nous en avait parlé ; des terres d'Ynrï recouverte de sable alluvionnaire. Nous n'en avions cependant jamais vu et je regrettais de ne pas avoir pu contempler la réaction des miens face à cela ! Je grognai légèrement à l'idée de les avoir manqués.

Toutefois, nous n'étions pas à l'heure des regrets.

Relevant la tête, je me mis en marche pour me présenter. Parmi toutes les lemehiennes, qui avaient toute retroussé leurs voiles, une se démarquait assurément. Des chaînes ambrées décoraient son corps, jusque son visage, et sur ces dernières, des rubis en ornaient chaque extrémité. Ces bijoux semblaient s'aventuraient dans des endroits intimes également, comme sa poitrine, mais les pans de tissus écarlate et translucide, protégés les peaux brunes de toutes les femmes.

BJÖRSARION - LA TERRE DES GÉANTS (BL)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant