Chapitre 23 - Le premier pilier : l'humilité

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Adiel


La divinité des flots et celle de la terre devaient s'affoler. Les océans portaient les navires de toutes les contrées des hommes jusque chez nous, jusqu'à Hemel, le foyer de tout homme. Je n'avais moi-même j'avais vu autant de bateaux accoster à notre port, pas même pour le couronnement de mon frère. Et ce fut d'autant plus étrange de me dire qu'aujourd'hui, tous étaient présents pour les unions de la royauté de Hemel. Ce qui aurait dû être mon jour se transformait en un évènement que je me devais de partager, mais à vrai dire, c'était une bien petite concession pour ce qui allait m'attendre.

Si cela avait surpris le peuple entier que le roi énonce son souhait de se marier, lorsque nous leur avions appris la raison, le peuple avait convenu qu'il s'agissait de la meilleure chose à faire. Ils avaient pour ordre régalien de ne rien dire, de taire la blessure terrible de leur souverain et je ne doutais pas de leur fidélité. Si nous étions un même peuple, nous et les hommes d'autres terres, Hemel formait pourtant un royaume soudé que nul ne pouvait ébranler.

Les secrets ne pouvaient nullement nous affaiblir, encore moins s'ils étaient maintenus dans des intentions qui nous préservaient de la guerre. Mon frère avait raison. Aucun des hommes qui étaient arrivés ne voyait en moi un digne héritier du trône. Pas même moi. Hemel m'était un fardeau trop lourd à porter. Au plus profond de moi, je n'étais pas dupe. Je savais que mon frère n'avait pas mis en place son union pour me soulager de ce rôle, mais bien pour éviter une guerre. Ça n'était pour moi, mais pour le royaume.

— Prince Adiel, vous honorez Hemel.

Je me tournai vers Lunya. Depuis l'annonce de mon frère, les choses s'étaient enchaînées. Nous avions très vite vu les premiers invités arriver et les premières salutations avaient été presque chaotiques. Les géants inspirent réserves et peur. Et puis, nous avions eu nos premières répétitions avec l'Einherjar. Nous avions commencé à apprendre la danse qui porterait le pilier de l'entente. D'ici cinq jours nous serions unis lui et moi ; les hommes et les géants.

Aujourd'hui, et je pouvais les voir, les rues avaient décorés de lys et, en l'honneur des géants, de jusquiame noire. Mon frère avait convenu que cela serait un symbole que le passé était bien derrière nous ; que les guerres qui avaient frappé nos peuples étaient désormais un souvenir sur lequel nous pouvions passer. Malgré l'union de Penthélisée et d'Ingvar, c'était l'Einherjar et moi-même qui étions mis en avant.

— Vous aussi, roi Ingvar.

Nous étions tous deux préparés ensemble sous la protection de Lunya, capitaine de la garde hemelienne, et Gunnar et Gudbrand, géants et frères. Ensemble, mais nous portions des couleurs différentes. Si le blanc avait dû être à l'honneur aujourd'hui, il ne le fut que sur moi. Ingvar était vêtu de lin, d'un tee-shirt à longue manche et pantalon ample, sans motif aucun, tout comme moi, mais il portait une couleur brune, comme la couleur du sable de Lemeh.

Mon frère ne répondit rien d'autre qu'un sourire. Des inconnus d'autres terres n'auraient pu reconnaitre la faiblesse de ce rictus, mais je le perçus. Mes yeux glissèrent sur la blessure de mon frère. Elle était dissimulée par les vêtements et certainement pansée parfaitement, mais j'avais peur de ce qu'il adviendrait durant la marche que nous nous apprêtions à faire. Résisterait-il ? Aurait-il besoin de soin ? Serait-il conscient jusqu'au bout ?

— Trouves-tu bonheur au côté de Penthélisée ? m'enquis-je.

Le regard que mon aîné posa sur moi me fit presque regretter mes mots.

— Je ne me marie pas parce que ses grands yeux ambrés ont fait battre mon cœur, si c'est ce que tu veux dire. Ce n'est qu'une nécessité. Elle voulait être reine et son ambition n'était ni néfaste ni trop faible pour que je m'en détourne. Je lui suis utile et elle me l'est.

BJÖRSARION - LA TERRE DES GÉANTS (BL)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant