Chapitre 28 - Le cinquième pilier : l'union

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Arjen


C'était un cierge décoré. Des arabesques dorées couraient sur la cire et remontaient jusqu'à la flamme de cette même couleur. Donné par le Grand Prêtre, je me devinais que cela devait être de la magie. Cette dernière était une science pure. On donnait ce nom aux êtres suffisamment proches des dieux pour utiliser leurs savoirs. C'était différent de la sorcellerie. Ce dernier était un don qui venait du néant, des divinités déchues même. Le Grand Prêtre, un asmer, était un enfant de Stjarna, la divinité des étoiles.

Lui et ses semblables étaient l'unique enfant de cette déité et cette préciosité se ressentait sans cesse dans chaque terre. Les asmers menaient les plus grandes célébrations : les unions, les deuils, les couronnements. Ils n'étaient mêlés à aucune guerre, aucun conflit, et cela n'avaient certainement jamais traversé des esprits de s'en prendre à eux. Pour ma part, c'était le deuxième que je voyais. Un Grand Prêtre était un jour venu à Björsarion, vêtu de blanc, pour me reconnaître en tant que l'Einherjar de mon âge.

Aujourd'hui, c'était tout aussi symbolique. Bougie en main, sa flamme brûlante, nous allumâmes tout d'abord la lanterne. À Hemel, lors des enterrements, il était de coutume de peupler le ciel nocturne de ses lumières. Adiel disait que les âmes des hemeliens regagnaient la demeure céleste des dieux, montant si haut dans la voûte que nul ne pouvait voir, mais les lanternes connaissaient le chemin. Elles guidaient les défunts. Mais c'était différent pour les rois et les reines. Leurs chemins étaient plus courts.

Enterrés sous les statues à leurs effigies, il fallait guider l'âme à son sommet. Là où elles résideraient, avec la bénédiction de Land, pour veiller sur le royaume à qui ils avaient apporté la gloire. Alors, lorsque notre lanterne fut allumée, elle gonfla et ce fut dans une caresse touchante qu'elle effleura nos mains avant de prendre son envol. Des milliers d'autres, celles du peuple, suivirent la nôtre. Lentement, la statue d'Ingvar face à nous fut illuminée de cette lueur divine, imitant un jour sobre.

Ce ne fut que les pieds de celle-ci avant tout, car elle n'avait pas encore été construite entièrement, évidemment. Mais, il se passa une chose qui me laissa sans voix. Les lanternes s'assemblèrent, grimpant le ciel étape après étape, jusqu'à, me semblait-il, créer un corps avec leur clarté. Il me sembla voir Ingvar, trônant à la place de la pierre taillée qui allait prendre place. Je regardai Adiel pour en être certain, mais ce dernier demeurait calme à observer le spectacle et il en était de même pour les hemeliens, les lemehiennes. Si les géants n'avaient pas levé la tête vers nous, vers moi, j'aurais juré avoir rêvé !

Et puis, continuant leurs chemins, leurs lumières se déplacèrent, gagnèrent la voûte céleste, laissant ainsi l'âme du roi de Hemel au sommet de ce qui serait, d'ici peu, son repos éternel. Il devait regarder la ligne d'horizon et cette pensée me fit sourire, car s'il y avait bien une chose que j'avais retenue de ce petit bout d'homme, c'était son amour pour sa terre.

— Ingvar n'était pas un bon frère, mais il était un bon roi.

Je regardai Adiel. Je n'osai lui dire qu'Ingvar avait certainement fait plus pour lui qu'il ne semblait le croire. En vérité, Ingvar avait jalousement veillé sur lui, d'une façon qui, plus d'une fois, avait dû coûter à Adiel. Il y avait autant de façon d'aimer que d'être pour le faire. Il n'était donc pas surprenant que certains amours ne convenaient pas à d'autres. C'était le cas pour ces deux frères. Ça l'avait même été pour moi ; ça l'était toujours. Et ce n'était pas grave de ne pas toujours comprendre l'amour de l'autre.

Et puis, Adiel guida nos mains dans la sébile. Il fit couler la cire à l'intérieur et nous y déposâmes le cierge. La flamme était prête à consumer la bougie jusqu'au petit matin où notre union serait officielle. J'avais tant attendu cela ! La « dielle », comme disait Adiel, à sa main tintait adorablement avec le même son que la mienne. Voir une bague à son doigt et cette chaîne à son poignet, représentant notre lien, était si vibrant de beauté. Ça résonnait dans tout mon être.

BJÖRSARION - LA TERRE DES GÉANTS (BL)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant