Chapitre 45 - Le pèlerinage de Heita

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Adiel


Les montagnes enneigées étaient connues à travers le monde comme l'une des plus grandes créations des divinités ; l'une des premières de Land et l'une des premières de Snær. Certains pensaient qu'il s'agissait de la première alliance entre les puissances pour forger le monde ; que la puissance de la Terre avait fait jaillir les monts titanesques jusque dans les nuages et que la divinité de la glace avait fait s'écouler le tapis blanc pour protéger les monts et ses créations. Il y avait des êtres liés à Snær, puissance hivernale, cachés dans les sommets.

Mais, ce dont le monde entier était apte à affirmer était la proximité de ces sommets avec la demeure des divinités. Les puissances vivaient là-haut, par delà les nuages, par delà le ciel lui-même et, si aucun être mortel ne pouvait l'atteindre, nous pouvions au moins rêver de lui de par ce lieu. C'était ce qu'il y avait de plus précieux pour les créations des divinités : rêver. Le monde était né de leurs rêves et nous, nous l'avions construit par eux également.

Aujourd'hui, je foulais les montagnes enneigées, comme mère me les avait décrits. Je n'aurais jamais pensé cela et jamais je n'aurais ne serait ce put que l'imaginer ! Pourtant, j'y étais, après tant d'années à rêver à l'aventure. Il y faisait froid, plus qu'aucun autre endroit sur terre j'osais l'imaginer. Le vent qui soufflait me poussait de droite à gauche, d'avant en arrière, et le lourd manteau sur mes épaules, bien qu'il me couvrait de ce temps, était trop pesant.

À vrai dire, je me sentais faible. Je peinais à suivre le rythme des géants et les chevaux avaient été laissés au village. Nous devions faire ce pèlerinage, Heita, à pied. Nous montions, essentiellement, depuis des heures maintenant. Mon corps tremblait. Un pas des géants valait bien cinq des miens, mais la force me quittait. Mon corps était endolori et une chaleur inhabituelle se répandait dans mon corps. De plus, une myriade de questions parasitait mon esprit.

— Gudbrand, Noortje m'a un jour dit que Einherjar avait un frère, mais que son amour pour ce dernier était... éteint. J'ai rencontré Endre très tôt ce matin. Pourquoi ne m'avoir jamais parlé de lui ?

Le froid rendait mes lèvres et mes joues douloureuses. L'intérieur de ma bouche et mes poumons me brûlaient sous l'air glacial. La seule façon de me détournait de mes souffrances c'était évidemment de discuter. Je profitais que Arjen et Egbert étaient loin devant, au côté de Noortje, Solaug, les tisseuses et Amma. Cette dernière, due à sa vieillesse, était la seule à monter à cheval. Une magnifique jument grise ornée de tapisseries et de bijoux qu'ils appelaient « Vīss » et qui signifiait « sage ».

— Petit prince...

Gudbrand m'accorda un regard profondément choqué.

— C'est pas un hasard si vous posez cette question quand Einherjar est devant, répliqua Gunnar à voix basse.

— S'il vous plait, racontez-moi ce qu'il y a à savoir.

Je semblais presque supplier les frères. Ces deux-là échangèrent un regard lourd de sens et ils ralentirent le pas, nous séparant un peu plus des autres. Ainsi, nous pourrions parler plus librement, compris-je.

— Endre est de dix ans l'ainée d'Einherjar.

— Quand l'infirme est née, il était déjà incapable de marcher. Tove et Haagen, leurs parents, ont été insultés par cette naissance. Haagen disait que c'était une punition de Land parce qu'il était incapable de gagner la bataille contre les hommes, poursuivit Gudbrand d'une voix grave et basse.

— Ils ont tenté de l'offrir en sacrifice à Land. L'enfant a été laissé sur le lac gelé durant cinq jours et cinq nuits jusqu'à ce que la lune pleine ne s'évanouisse, reprit Gunnar. Mais Land refusa. Lorsque Haagen retourna au lac, l'infirme était toujours là, bleuit par le froid, mais miraculeusement en vie.

BJÖRSARION - LA TERRE DES GÉANTS (BL)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant