Chapitre 27 - Le quatrième pilier : l'amour

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Adiel


Au troisième jour des festivités, un drame avait frappé Hemel.

Les géants avaient parcouru l'océan jusque sur la terre des hommes. Ils avaient essuyé des tempêtes ; la colère des flots et son calme. Ils avaient fait face aux créatures maritimes ; frôler bien des contrées pour arriver jusqu'à nous. Jour de fête : c'est ce qu'auraient dû signifier leurs présences. Quand bien même l'entente entre nos peuples s'était montrée fragile, elle avait su bourgeonner en quelque chose de plus pur. La présence du roi et la foi qu'il portait finalement aux géants avaient su apaiser les peurs et les rancœurs.

Les jours qui portaient les piliers d'une cérémonie d'union se devaient d'être radieux. Ils devaient porter la sérénité, l'abondance, la joie, la richesse et toutes ses choses que Hemel portait elle-même tous ses siècles passés. Aujourd'hui, à l'aube du quatrième jour, la lumière s'obscurcissait. Un voile sobre venait s'abattre sur l'avant-dernier jour d'origine rayonnant ; un voile que tout hemelien avait pressenti et que nous portions.

Au troisième jour des festivités, le roi était mort.

Son absence durant la cérémonie de la veille s'était fait ressentir, mais les géants et les hommes s'étaient tus. Nous n'avions montré qu'une désarçonnante légèreté. Les nobles se doutaient de certaines choses. Ils parlaient et les rumeurs grandissaient, mais rien ne touchait la vérité. L'Einherjar avait magnifiquement gardé son sang-froid. Et, m'entraînant dans une danse, il m'avait confié la triste vérité. Ses mots résonnaient encore en moi.

« Son cœur ne bat plus. Le corps du roi repose sur le balcon. Ne laissez rien paraître. Vous serez bientôt Jötnar ».

Alors, à l'aube du quatrième jour, face au miroir, je me tenais droit. J'avais pleuré lors de ma discussion avec mon frère. Je lui avais ainsi fait mes adieux. Cela avait été inévitable, quand bien même l'espoir avait sournoisement picoré mon cœur ces derniers jours. Il n'était plus. Juste ainsi, il s'était éteint. Mon histoire avec lui se terminait et une nouvelle commençait. J'entamais une nouvelle route, un nouveau chemin et je me devais de me montrer digne de l'emprunter.

Une union aurait bien lieu aujourd'hui. La mienne. Celle du chef des géants et du prince des hommes ; une union politique et plus encore dorénavant. Tandis que le tonnerre rugissait dehors, la pluie se mit à frapper férocement la bâtisse du palais. On ajusta les dernières petites pierres sur ma tenue, modifié au dernier moment pour répondre au besoin de ce jour, et une fois fait, je sortis de la chambre. Penthélisée ne s'était pas préparé avec moi cette fois.

Traversant les couloirs du palais, mes pas me portaient avec une solennité dont je n'avais pas fait preuve depuis plusieurs années ; depuis l'enterrement de mes parents. Les portraits accrochés au mur de mon frère étaient drapés de noir. Des jusquiames noires cernées les contours du tableau. C'était avec ces fleurs qu'avait commencé son règne et aujourd'hui, pour une symbolique quelque peu douloureuse, il se terminait avec. Mes mains étreignirent le bouquet noir que l'on avait mis dans mes mains.

Devant la salle du trône, je pus voir les premiers soldats, tout de noir vêtus. Leurs mains reposaient sur la porte, attendant patiemment mon signal pour l'ouvrir. Un mouvement attira mon attention du coin de l'œil et j'y portais mon regard. Je fus surpris de découvrir Egbert. Il s'avança et je crus presque mentir lorsque les pensées et même les yeux affirmèrent la tenue qu'il portait : une tenue hemelienne, aussi noire que les joyaux floraux que les géants désiraient tant.

— Pourquoi... ? parvins-je à peine à souffler.

— Le roi était décidé à faire ce qui était juste. Sa vision du pouvoir a trouvé du soutien chez les géants. Ce sera la première et la dernière fois que nous porterons ce genre de vêtement.

BJÖRSARION - LA TERRE DES GÉANTS (BL)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant