Adiel
— Non, mais tu imagines ? Nous avons dîné pendant plus de deux heures et ce... ce géant n'a trouvé d'acceptable que de m'offrir leur bas alcool ? s'indigna Ingvar. Et toi, tu as reçu des bijoux, des étoffes, des joyaux, des vêtements, un cheval qui fait au moins cent fois notre taille ! Ne suis-je pas le roi ?
Ingvar ne cessait de radoter. Je levai sans pitié mes yeux vers le ciel. Je me régalai de le savoir indigné, mais c'était moins amusant lorsqu'il venait se plaindre à moi. Une fois mes quartiers gagnaient, j'avais pu retrouver une vue parfaite en retirant le voile de mon visage et j'avais voulu de suite fondre dans un sommeil mérité, mais mon cher frère en décidait autrement. Pourtant, il aurait dû s'estimer heureux. Si l'Einherjar m'avait offert une centaine de présents, il avait tout de même pensé à mon frère.
Le chef des géants avait affirmé que leur alcool ne pouvait être trouvé nulle part ailleurs. Il appelait ça de l'hydromel et comme absolument tous les cadeaux offerts, sa confection avait demandé de la patience. Les meilleurs ingrédients, la préparation, la fermentation, tout cela leur avait pris du temps et je trouvais cela déplorable qu'Ingvar ne sache pas profiter de la valeur de ce que les géants nous offraient. Nous avions même goûté leur alcool et il était si différent de nos vins ! C'était un goût si fruité et sucré, intense et frais à la fois.
— Ingvar, l'interrompis-je finalement. Les festivités poursuivront demain et je suis épuisé. Tu veux que je remplisse mon rôle, n'est-ce pas ? Demain, j'irais me balader avec l'Einherjar, alors pitié, laisse-moi donc dormir.
Convaincu par mes paroles, il se tut. Il hocha la tête et s'approcha de mon lit.
— Leur chef semble aimer ce qu'il peut voir de toi. Il sera aisément dans le creux de ta main. Je compte sur toi, petit frère.
Et il me laissa avec ses paroles. Elles tournèrent inlassablement dans ma tête. L'Einherjar m'avait tant offert aujourd'hui. Il avait chassé des jours durant pour m'offrir Sanjarna et il avait patienté des années pour obtenir la meilleure fourrure pour mon manteau. L'Amma des géants avait tissé des années mon vêtement et une larme de sirène, si rare qu'elle était plus une légende qu'autre chose, m'avait été offerte ! Leur maître forgeron, le même qui réalisait leurs armes les plus féroces, avait taillé mes bijoux et polis l'or.
L'Einherjar m'avait tant donné, plus que mon frère durant toutes ces années. Ça n'était pas seulement des biens matériels, mais une preuve que tout cela lui tenait à cœur. On ne pouvait pas faire tant d'effort et risquer de tout perdre, alors il ne pouvait qu'être sincère. Je retirai la couverture de mon corps et repris mon voile pour l'enfiler. Je ne pouvais pas laisser Ingvar guider ma vie alors qu'une nouvelle existence se profilait devant mes yeux.
J'ouvris doucement ma porte afin d'être sûr de n'alerter personne. Je regardai de chaque côté du couloir et une fois certain que personne n'était présent, qu'aucun pas ne résonne, je me faufilai à l'extérieur pour trouver les quartiers préparés pour les géants. Mon cœur battait comme un fou. Si Ingvar me voyait, il n'aurait plus confiance et seules les déités savaient ce qu'il adviendrait des géants et moi. Pourtant, je voulais croire en l'Einherjar. Il avait tenu ma main, m'avait rassuré, m'avait compris sans mot lorsque je l'avais mis en garde contre le vin.
Je pénétrai dans l'aile du château où nos invités se trouvaient et je n'eus guère besoin de rejoindre les appartements du chef des géants. Lui et les deux géants avec qui il avait le plus discuté se trouvaient debout au milieu du couloir. Leurs chambres respectives n'étaient pas loin l'une de l'autre. Je m'arrêtai et l'Einherjar fut le premier à me voir. Il murmura quelque chose à ses amis et s'avança vers moi. Je me détournai dans le but de rejoindre les jardins. Je m'assurai qu'il me suivait avant de poursuivre.
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BJÖRSARION - LA TERRE DES GÉANTS (BL)
ФэнтезиLes géants ont bonne mémoire. Ils se souviennent toujours des vieilles convoitises de leurs ancêtres, de tous ceux qui les ont précédés. Alors lorsque leurs yeux se posent sur les jusquiames noires, joyaux de la couronne humaine, leurs vieux désirs...