Chapitre 11 - La rancœur des Géants

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Adiel


— Les tailleurs prennent déjà les mesures de l'Einherjar. Les pauvres doivent être terrifiés, se moqua le roi.

— Il faut dire que tu as insufflé la peur dans les esprits des hemeliens. Je te suis reconnaissant, mon frère, de laisser ta gourmandise derrière toi, mais le peuple a peur.

Ingvar resta silencieux de longues secondes. Il semblait plus calme, mais je me méfiais toujours autant pour ma part. Je ne pouvais nullement lui accorder ma confiance, pas même une once ! Je trouvais son comportement suspect, inattendu et imprévisible. Qui pouvait savoir ce qui allait encore soudainement lui traverser l'esprit. S'il était régi par de simples mots ou émotions, je me refusais de le croire. Ma foi en lui était fébrile, presque inexistante, détruite par ses crimes et son comportement.

— Tu as raison. Les deux jours qui sont à venir sont occupés par nos activités, mais par la suite, je tâcherais d'organiser un évènement afin de raffermir l'entente des géants et des hemeliens.

Je crus que le sol se dérobait sous mes pieds. Ingvar venait-il sincèrement d'envisager cela ? Il avait été celui qui avait entretenu la peur des nôtres, il l'avait ravivé même ! Maintenant, il était enclin à réparer cela ? C'était si... tentait-il véritablement d'arranger ses erreurs ? Si tel était réellement le cas, que lui avait dit l'Einherjar pour que cela suffise à changer mon frère ? Au point où ce dernier était prêt à, visiblement, beaucoup pour redorer l'image de nos alliés.

Ingvar s'amusait. Le sourire qui étira ses lèvres lorsqu'il m'observa le prouvait. Cette situation était divertissante pour lui ; mon trouble quant à celle-ci l'était. Il ne tentait pas d'éclaircir cela. Les choses n'avaient pas changé sur ce point. Ce qui traversait son esprit n'était compris que par lui-même. Je fronçai les sourcils ainsi dissimulés par le voile et me ravisai. Je ne devais pas attacher trop d'importance à tout cela et je devais surtout rester prudent. Je détendis donc les muscles de mon visage.

Lorsque nous arrivâmes devant la chambre des géants, des éclats de cris nous parvinrent. Les voix des géants laissaient rugir leur colère. Ingvar et moi nous arrêtâmes. Mon souhait ne fut guère d'écouter, mais nous fûmes forcés de patienter dehors. Naturellement, nous entendîmes la cause de leur conflit et je m'en sentis profondément mal. Ingvar, à ma grande surprise, ne semblait pas avoir de sourire satisfait, bien au contraire. Je lui découvrais une mine sérieuse.

— Notre terre nous attend ! Que faire si elle se fait attaquer par les pirates ? Pire encore, ce roi et ce prince se moquent de nous ! Tu dis avoir vu des jusquiames noires, mais...

— Nos ancêtres se sont battus pour ça ! gronda un autre.

Alors l'Einherjar leur en avait parlé ? Et bien, pour rejoindre la frontière et accueillir la cité des femmes, Lemeh, nous devions traverser les plaines. Par conséquent, les géants verraient les jusquiames noires. L'Einherjar avait le choix d'être honnête, de ne pas jouer la surprise. Pourtant, il devait connaître les siens, s'était-il attendu à ce que les géants se montrent si véhément ? Quel visage faisait-il face aux paroles des siens ? Comment réagirait-il ?

— Nous pourrions attaquer les sangs bleus durant leur sommeil. Nous pourrions prendre les jusquiames noires la nuit et nous retirer en silence, reprendre la mer et regagner Björsarion. Avec les jusquiames noires, qui pourraient se tenir face à nous ?

Je reconnus cette voix comme celle d'Egbert. J'avais encore du mal à retenir tous les noms, mais ceux d'Egbert et Noortje revenaient assez souvent pour que je me souvienne d'eux et leurs voix.

— Les jusquiames noires changent tout, affirma Noortje. Einherjar, nous n'aurions besoin de personne avec elles. Les pirates eux-mêmes ne pourraient rien contre nous.

BJÖRSARION - LA TERRE DES GÉANTS (BL)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant