Chapitre 30 - Au revoir Hemel

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Arjen


Les rayons ne frayaient pas leur chemin à l'intérieur de la chambre. Le matin n'était même pas encore levé et pourtant, la nuit entière, nous avions pu entendre l'éclat de roche se fendant sous les marteaux et tailleurs hemeliens. La statue avait continué d'être taillée, sans repos, sans honte, et avec une conviction et une gloire qui résonnaient à chaque coup, à chaque forme. Adiel avait eu raison. Ingvar avait été un bon roi. Il avait apporté un peu plus de saluts à sa terre et jamais il ne l'avait déshonoré.

La première impression que j'avais eue de lui avait été quelque peu fébrile et injuste. J'avais appris à découvrir un seigneur dont les convictions allaient en parfaite harmonie avec l'avenir de son royaume ; un souverain qui n'avait jamais craint les sacrifices ; un roi que le peuple écoutait et aimait ; un frère qui avait eu à cœur de protéger la famille qui lui restait ; un garçon qui, perdu dans son pouvoir, avait appris à exaucer le désir commun en débit de faire taire ses désirs personnels.

Adiel l'avait pleuré. Les hemeliens pleuraient la mort.

En posant mon regard sur le prince, je ne sus quoi penser. Nous étions unis à la façon hemelienne et maintenant que ce chapitre était clos, alors que j'aurais dû nous délecter de nos noces et de ce qui en découlerait, je m'en retrouvais incapable. Nous allions, demain ou dans les jours qui suivraient, prendre le bateau et regagner Björsarion. Je n'avais pas préparé le prince de ce qui l'attendrait là-bas. Il avait été inutile d'encombrer son esprit, mais je me devais désormais de lui dire.

Je le serrai un peu plus contre moi, le blottissant contre ma poitrine et je posai mes lèvres sur son front. Je frissonnai à ce simple contact. Sa chair était d'une douceur que je n'avais encore jamais sentie à ce jour. Il était dur de ne pas se perdre des heures dans son admiration tant il était divin à mes yeux. Je peinais à me dire que cet être était lié à moi, à jamais. Je me sentais chanceux, terriblement, et le ramener à Björsarion rendait cela plus terrible encore.

Egbert était têtue, mais il l'était moins que la majorité des géants que nous allions retrouver. Si le rouquin avait réussi à trouver un équilibre dans son... « affection » pour Adiel, il n'en serait pas de même pour tous. Adiel allait avoir du pouvoir sur les géants, de la même façon que j'en avais, mais entre « avoir » et « utiliser », il y avait un fossé. En était-il capable ? Ça m'inquiétait plus que de raison, quand bien même je ne laisserais rien lui arriver, je savais que je ne pouvais pas lui refuser certaines choses que lui désirait.

Et puis... Mes pensées furent brusquement interrompues lorsque des coups furent donnés à la porte. Le soleil ne se levait pas, mais on venait frapper ? Je me dégageai de l'emprise d'elska, à contrecœur, et partis ouvrir la porte. J'y découvris Lunya, le garde auquel Ingvar avait donné toute sa confiance. Son regard resta fixé sur mon visage, n'apportant aucun intérêt à ma nudité. Il était fatigué. Ses yeux ternes trahissaient ses larmes passées et son visage grave, de l'annonce qu'il m'apporterait.

— Einherjar, sur ordre de feu notre souverain Ingvar, vous devez quitter le royaume.

Je fronçai les sourcils. Je jetai un coup d'œil à Adiel qui avait remué dans les draps.

— Comme cela avait été prédit, les nobles s'affolent et se posent des questions. Les discussions s'enflamment et de brutales entrevues auront bientôt lieu. Il vaut mieux qu'avant cela, les géants et le prince Adiel ne soient plus dans les parages. Pour votre sécurité et la nôtre.

Pour éviter une guerre entre géants et hommes, compris-je. Ingvar l'avait évidemment compris et il avait donné cet ordre avant sa mort. J'acquiesçai alors, conscient des enjeux.

BJÖRSARION - LA TERRE DES GÉANTS (BL)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant