Arjen
— Elles ont toutes la peau semblable à l'hydromel ! Par les puissances, j'ignorais ça possible ! s'extasia Gudbrand.
— Devrions-nous en prendre pour épouses et nous gorger de leurs peaux ? renchérit Gunnar dans un rire.
Leurs désirs étaient mis à rude épreuve. Ça n'était pas juste les frères qui étaient sous le charme. Tous les géants l'étaient. Même Noortje, dont l'impassibilité et la maîtrise étaient ses qualités, ne pouvait contrôler son regard avide. C'était amusant à contempler. Rare était les fois où les gens avaient été charmés ainsi. En vérité, c'était arrivé une fois, lors de la danse du prince. Même les sirènes n'étaient pas parvenues à ce résultat divertissant.
— Et toi alors ? Pourquoi ne pas te détendre ? s'enquit Egbert. Tant de jolies femmes qui, semble-t-il, sont libres de se laisser guider par leurs désirs. Et si nous partagions tous une nuit ?
— Hé, c't'une bonne idée ! Ça fait longtemps !
Gunnar frappa son frère à l'arrière de la tête et avec un sourire en coin, je signifiais mon refus. C'était une proposition alléchante. Les lemehiennes étaient belles, à un point où je peinais à en décrocher mes yeux, mais autre chose m'importait plus. Quand bien même partager mon plaisir avec les miens me manquait, je ne me voyais pas savourer une autre chair que celle d'Adiel. « Toutes les peaux semblables à l'hydromel » avait-il dit ? Non. Les lemehiennes étaient peut-être nées avec les peaux brunes, mais le soleil, avec la grâce de Sunna, avaient renforcé cette teinte.
Chez Adiel, c'était d'un naturel bouleversant ; aussi doux que le miel et ensorcelé par cette teinte dorée. Mon regard le cherchait sans cesse. Je le faisais encore là, mais une poignée de lemehienne avait enlevé mon prince. C'était pour cela que nous pouvions parler plus librement de ce que nous inspiraient les femmes. Ça n'était pas juste le désir, mais aussi le respect. Les géants ne désiraient pas ceux sans puissance, car cette dernière était plus importante que n'importe quelle beauté. Elle se ressentait chez les femmes.
— Par les divinités Einherjar ! Tout ça pour ce petit prince ?
J'entendais l'exaspération dans la voix d'Egbert. Je comprenais, jour après jour, qu'Adiel serait cause de discorde entre lui et moi. Il ne voyait pas la puissance qui se terrait chez Adiel. Il le jugeait trop faible pour se tenir à mes côtés.
— Tu veux dire le prince de Hemel, la grande cité des hommes, celui qui deviendra ton Jötnar d'ici quelque temps ? C'est bien cela Egbert. Pour lui, assurai-je dans un sourire.
— Alors quoi, s'il le veut, tu vas arrêter de partager tes désirs avec nous ? Les géants n'ont jamais été possessifs, alors pourquoi tu devrais faire une exception pour lui !
— T'as vraiment une dent contre le petit prince, soupira Gunnar. Ce que t'es bruyant !
— Ne me faites pas croire que je suis le seul ! Il empeste la faiblesse !
Gunnar jura suivi de Gudbrand qui, exaspéré, déposa son bol de soupe sur le sol et lança sa cuillère vers Egbert. Je ne pouvais pas forcer le rouquin à voir ce que moi je découvrais chez mon futur amour. J'acceptais ses paroles, car il ne faisait qu'énoncer ce qu'il pensait véridique, mais je sentais poindre en moi un agacement véritable. Ses mots m'agaçaient. Noortje, dans sa grande sagesse, sembla le comprendre. D'une main sur la tête de notre rouquin, elle le fit ployer l'échine, l'intimant silencieusement de se taire.
Il leva alors les mains en guise de paix et s'excusa dans la seconde. Je n'y portais pas plus attention. De la tente principale, les lemehiennes sortirent. Leurs sourires rayonnaient autant que l'étoile diurne. Je ne pus m'empêcher de faire de même lorsque le visage malicieux d'Antiope se démarqua. Derrière elle, je vis des pans de tissus bleus dépasser et mon cœur, autant que mon sexe, pulsa lorsque Adiel osa se montrer. Vêtu de la tenue des lemehiennes, il était assurément plus beau que Sunna.
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BJÖRSARION - LA TERRE DES GÉANTS (BL)
FantasyLes géants ont bonne mémoire. Ils se souviennent toujours des vieilles convoitises de leurs ancêtres, de tous ceux qui les ont précédés. Alors lorsque leurs yeux se posent sur les jusquiames noires, joyaux de la couronne humaine, leurs vieux désirs...