Chapitre 37 - À l'horizon : Rortra

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Arjen


— La mer est déchaînée.

— Elle l'est toujours quand on approche de Björsarion, affirma Egbert.

Cependant, Noortje n'avait pas tord ni même Egbert. Les flots qui entouraient de près ou de loin Björsarion étaient toujours infernaux. Des pluies diluviennes enchaînaient l'océan à sa colère et le navire tanguait, esclave de cette fureur. Nous n'y pouvions rien si ce n'était subir. Asthan, divinité des flots, semblait relâcher toute frénésie et rage ici. Je redoutais les créatures qui survivaient en de tels vagues et courant. Les sirènes qui ondulaient sous cette eau devaient être des plus terribles.

Nous gardions tous un œil prudent sur la surface, si tant est que notre regard parvenait à y être fixe. Les vagues frappaient impitoyablement la coque du bateau ; si fort que l'on aurait dit que nos tambours résonnaient, mais avec la furie d'un éclair. L'orage inondait le pont au point d'en déborder et de se mélanger à la mer. Certainement aurions-nous subi le même sort qu'Adiel si nous avions, nous, géants, étions construit comme lui.

— Le petit prince ne va toujours pas bien ? Ça fait pas mal de temps qu'on est en mer, mais c'est la première fois que ça lui prend, exposa Egbert.

— Il se repose. Toute cette houle lui donne une nausée atroce. Je doute que le pauvre ait encore quelque chose dans le ventre.

— Asthan doit être de plus mauvais poil que d'ordinaire. C'est plus violent que les autres fois, assura Noortje.

J'acquiesçai. J'étais d'accord avec elle. Quelque chose était différent aujourd'hui, mais qui pouvait dire ce qu'il y avait dans la tête d'une divinité ; où qui pouvait se penser légitime de comprendre ce qu'il pourrait se passer là où nos yeux ne voyaient pas. Nous n'étions que des mortels, enfants de chaque puissance, et nous ne pouvions qu'accepter, subir, prier et réclamer le pardon pour les fautes. Car il était courant que du mal soit fait, parfois même sans le désirer.

— Einherjar, les voiles sont rentrées.

Bien. Nous n'avions plus qu'à nous laisser porter par les flots. Nous allions nous perdre pendant une heure ou deux, mais c'était la meilleure chose à faire. Les nuages épais au-dessus de notre tête n'annonçaient rien de bon. Le vent était si fort que nos voiles pourraient se déchirer. Quant à l'océan... je baissai un regard vers lui. Nous avions la chance que les créatures marines ne s'en étaient pas pris à nous ou que la mer elle-même ne nous engloutit.

— Nous serons bientôt à Björsarion. Tu te sens prêt ? s'assura Egbert.

À vrai dire, je ne savais guère quoi répondre. Je ressentais une hâte non dissimulée à retrouver ma terre et toutes ses coutumes, tous les géants et nos fêtes, cependant, je craignais pour le prince. Egbert avait été remarquable durant tous ces jours en mer. Il avait appris à Adiel comment se comporter en ma présence afin de ravir au mieux les géants. Était-ce ce que je préférais ? Je l'ignorais. La spontanéité du prince me manquait, mais j'éprouvais une profonde fierté à le voir se comporter comme le Jötnar ; comme le cœur des miens.

Pourtant, malgré tout cela, je devais bien avouer qu'arriver à bon port avec lui était... une source d'angoisse. Ça l'était tant que je l'avais chéri au point d'en faire une poupée de porcelaine. Je ne l'avais plus touché, malgré ses douces sollicitations. J'en mourrais d'envie et sans cesse, ma queue se retrouvait au bord de l'implosion, mais je me sentais incapable de lui faire subir ma fougue. Pas lorsqu'il serait tant éprouvé une fois à Björsarion.

— J'ai hâte de retrouver ma terre, détournai-je. Je rêve chaque soir du regard d'Amma lorsqu'elle rencontrera Adiel.

— Elle sera bien la seule conquise, coupa Noortje.

BJÖRSARION - LA TERRE DES GÉANTS (BL)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant