Arjen
L'odeur de la mer, jusqu'à lors partiellement coupée par la cale du bateau, envahit mes sens. Rejoignant le pont supérieur, j'y retrouvai Egbert derrière le gouvernail. Ce dernier discutait avec Noortje et je les rejoignis. Lorsqu'ils me virent, ils relevèrent leurs mains au-dessus de leur tête et y formèrent l'astre solaire. Je fis de même après qu'ils eurent baissé les bras et regardai par la suite la direction qu'Egbert m'avait désignée de sa tête.
— Terre en vue, exposa-t-il. Puisqu'on est presque arrivée à destination, on peut en parler ?
Sa voix était bourrue. Je voulais dire... bien plus bourru que d'ordinaire. Noortje, qui savourait sa chope de vin épicé, eut un sourire discret qu'elle dissimulait en buvant. Je ne tentais pas de cacher le mien et vins même à rire sous le regard exaspéré d'Egbert. Je tapotai son épaule, mais il s'en dégagea et lâcha la barre. Je sus que j'allais faire face à ses énièmes inquiétudes pour le moins... frivoles sur celui que je m'apprêtais à prendre en époux.
— Il y a tellement de belles femmes à Björsarion ! Tu pourrais... vivre librement, comme chacun de nous et tu... tu choisis de t'embêter avec un prince certainement gâter et de t'y enchaîner ! s'indigna-t-il.
— C'est le prince d'Hemel. Je te l'ai expliqué cent fois Egbert : c'est une alliance. Nous sommes peut-être plus forts que les hommes, mais leurs puissances navales et leurs soldats sont mille fois plus nombreux.
Il ouvrit la bouche pour répliquer. Je pouvais à peine respirer lorsque j'argumentai avec lui. Lui laisser une ouverture c'était le laisser déblatérer des heures sur son mécontentement.
— Prince Hemel ou pas, nous devrions juste profiter d'être sur son territoire pour prendre ce que nos ancêtres désiraient et...
Il s'interrompit brusquement sous mon regard et marmonna des excuses qui ne furent pas dites de bon cœur. Nous n'étions pas de retour à Hemel pour déclencher une autre guerre, bien au contraire. Cependant, j'étais conscient que la paix que j'essayais de tisser n'était pas vue d'un bon œil par les miens ; en tout cas, une bonne majorité n'approuvait pas. Nous avions la rancune tenace et même si beaucoup d'entre nous n'avaient été que des enfants à l'époque de la guerre, nous nous en souvenions.
À cette époque, nous étions les plus grands dangers qui voguaient sur l'océan. Même les navires d'Hemel, qui avait déferlé en grand nombre, n'avaient pas réussi à nous arrêter. Aujourd'hui, les choses avaient changé. Les mers étaient dangereuses et des navires plus puissants avec des équipages redoutables pullulaient sur les océans. Hemel et Björsarion étaient voisins et nous nous devions de nous allier face à une menace. Les rumeurs grandissaient : l'Oiseau Rouge et l'Abîme Noire n'étaient pas loin de nos côtes.
— Tu aurais au moins dû épouser le roi ! rajouta Egbert avec légèreté.
— Il est appelé « le roi sans peuple » par son propre pays. Il n'y a pas plus causant que les marchands et tout le monde à l'est sait que le roi est le plus médiocre qu'Hemel a connu. Mais le prince...
Egbert et Noortje se mirent à rire. Eux aussi avaient entendu les rumeurs. Il était rare qu'un peuple dénigre à ce point son roi, mais s'il le faisait, cela montrait bien quel genre de souverain il était. Je n'avais eu aucune envie de m'acoquiner à un homme tel que lui. Le but n'était pas d'être humilié chez les miens en ramenant un homme médiocre. J'attendais l'excellence, chose que ce dernier ne pouvait assurément pas m'offrir. Cependant... ce que les marchands disaient du prince...
— On dit que le prince Adiel est d'une beauté qui ferait jalouser Sunna et il en faut beaucoup pour que la divinité solaire en vienne à envier un mortel, glissa Noortje avec un sourire.
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BJÖRSARION - LA TERRE DES GÉANTS (BL)
Viễn tưởngLes géants ont bonne mémoire. Ils se souviennent toujours des vieilles convoitises de leurs ancêtres, de tous ceux qui les ont précédés. Alors lorsque leurs yeux se posent sur les jusquiames noires, joyaux de la couronne humaine, leurs vieux désirs...