Chapitre 40 - Les tisseuses

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Adiel


Land veillait sur moi. Je le prenais ainsi. Si Einherjar avait été appelé ailleurs, ça ne l'était pas pour Egbert. J'étais ravi de le savoir présent, ainsi je n'étais pas seul avec les géants. Je craignais me retrouver avec eux. À vrai dire, je trouvais mon courage en Egbert. Qui l'aurait cru. Son visage bourru, sa barbe rousse et épaisse qui manquait de soin, ses sourcils éternellement froncés, rien chez lui n'appelait à la sympathie au premier abord.

Pourtant, je décelai chez lui depuis quelque temps des attentions ; une tendresse dissimulée derrière sa rudesse ; des sourires ô combien discrets perdus ici et là. Il s'était adouci. Gunnar et Gudbrand prenaient plaisir à le lui faire remarquer et il prenait plaisir à son tour à leur faire payer. Si les frères l'avaient remarqué, les autres géants aussi. Ma pensée ne pouvait se confirmer puisque les tisseuses qui s'attelaient à me préparer n'avaient cessé d'évoquer leur surprise à la présence du rouquin.

Les tisseuses... Elles étaient toutes impressionnantes. Les géants l'étaient, tous, certes, mais elles étaient différentes des autres. Elles étaient à l'origine de toutes les tenues des leurs. Leurs vêtements se rapprochaient plus de celle de leur aïeul, d'Amma. Des bijoux couvraient leurs corps un peu partout et surtout, leurs tenues étaient constituées de plusieurs couches de fourrures, couvrantes. À la différence des peaux de bêtes que portaient les autres géants : ces dernières étaient simples, constituées d'une ou deux pièces et ne couvraient rien.

Et se couvrir ici... Ça me semblait essentiel ! Cette tenue cérémonielle que je portais rendait ma survie difficile. Pour le dire sans détour : je mourrais de froid. Cependant, les tisseuses et Egbert m'avaient expliqué l'importance de la robe que je portais. Elle était à moitié tissée pour chaque futur Jötnar. Avant moi, la mère d'Einherjar en avait porté une similaire, et aujourd'hui, c'était mon tour. Egbert s'était moqué, affirmant que tuer un ourson aurait suffi pour créer mon vêtement blanc. S'il disait vrai, un ours adulte devait être immense... et le pauvre qui avait dû être dépecé pour moi avait été visiblement trop.

Quoi qu'il en soit, cette robe représentait la simplicité et la sincérité d'une union. Puisque je n'étais pas totalement accomplis, pas totalement Jötnar, la coutume voulait qu'elle ne soit tissée qu'à moitié. Je me sentais nu et frigorifié, mais ironiquement je devais bien avouer que la peau de l'ours tenait au chaud ma poitrine. Peut-être ainsi mon cœur ne se figerait pas, car quand bien même il résisterait à la neige, il peinait à supporter l'angoisse que je lui imposai.

Les tisseuses apposaient sur mon crâne les bijoux. Je me sentais petit, dans bien des sens. Je savais que je ne devais rien laisser paraître, mais sans surprise, j'étais impressionnant. Cependant, je remerciai Land de laisser Egbert à mes côtés et également de la gentillesse des tisseuses. Elles ne parlaient pas beaucoup, mais les rares fois où elles l'avaient fait, elles avaient été joviales envers Egbert et flatteuse sur mon physique. J'étais « trop petit », mais j'avais « une beauté digne des dieux » et pour la première fois, j'étais ravi d'avoir un visage tel que le mien !

Derrière nous, le rideau de fils tinta et au son du bâton qui rencontrait le sol à un rythme régulier, je sus qu'Amma arrivait. Elle vint devant moi, avec ce qui semblait être un baume aux creux des mains. Les tisseuses reculèrent après avoir entourés mes bras de bracelet. L'aïeul s'avança alors et tandis son bâton à Egbert. Ce dernier grogna, vraisemblablement peu ravi de devoir quitter son assise pour ça, mais Amma le gratifia d'un coup de bâton contre son crâne.

Je ne pus empêcher un hoquet de surprise m'échapper et après m'être assuré de l'état d'Egbert, je ris. Ce fut plus fort que moi ! Je tentais de réprimer mon rire, mais il m'échappait un peu à chaque fois. Amma me regarda avec un petit sourire, vraisemblablement amusé, et Egbert se releva, arrachant presque le bâton pour assumer la tâche qui lui avait été confiée. Puis il vint se planter devant moi et je pinçai les lèvres pour me retenir.

BJÖRSARION - LA TERRE DES GÉANTS (BL)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant