Arjen
Les choses étaient encore un peu tendues entre Egbert, Noortje et moi, mais ça aurait été mensonger de dire que cela m'inquiétait. Nous avions déjà eu des querelles et nous étions toujours revenus les uns vers les autres avec naturel. Le repas de ce soir allait assurément baisser toutes les tensions. D'autant plus que je comprenais le geste d'Egbert. Une de nos armes n'avait rien à faire en position des hemeliens, mais il ne servait à rien de montrer notre agacement. Nous avions déjà la réputation d'être avides de trésors sur ses terres.
La porte s'ouvrit sur le roi Ingvar et le prince Adiel. Je les avais attendus dans la salle de la carte avec Noortje et Egbert afin d'aborder les sujets les plus importants de ma venue ici. Je devais rester concentrer et j'allais y parvenir grâce à Adiel. J'avais été de particulièrement mauvais poil après le tumulte entre le commerçant, Egbert et moi-même, mais le prince avait adorablement remédié à cela. De lui-même, et l'abri des regards, il m'avait enlacé. Je n'en étais pas revenu.
Je n'avais même jamais été conscient qu'une étreinte pouvait ainsi détendre les nerfs ! Peut-être était-il un sorcier ou un enchanteur pour réussir cela, mais serrer son corps fin contre le mien avait été incroyablement gratifiant. J'en avais oublié ce que cela faisait d'être énervé et je pouvais mettre toute mon énergie dans cette entrevue. L'idée de baiser la main du roi en guise de salut me traversa l'esprit, mais quelque chose me chiffonnait. Le baise-main était pour montrer son allégeance de ce qu'avait dit Adiel.
Je ne désirais guère montrer une quelconque allégeance à ce roi sans peuple. Pas tant que je ne découvrais pas l'homme qui portait si fièrement la couronne de cette cité. Je relevai donc mes mains en un cercle au-dessus de ma tête, formant ainsi l'astre solaire pour le saluer à la façon des géants.
— J'espère que vous avez passé une bonne nuit chers invités ! J'ai entendu parler d'un incident. Est-il réglé ?
J'interrogeai le prince du regard, mais au vu de son léger signe de tête, ça ne venait pas de lui.
— Les choses ont été réglées mon roi. J'étais moi-même présent et aucune violence n'a été faite.
Le souverain hocha la tête, satisfait. Les deux s'approchèrent et le roi tapota du pied sur l'immense carte qui peignait le sol. Nous baissâmes le regard vers celle-ci.
— Et si nous rentrions dans le vif du sujet ? Dans la première lettre qui m'est parvenue, vous faisiez référence aux pirates qui pullulent sur les mers.
— Les pirates envahissent les océans, oui. Le plus redoutable navire, l'Oiseau Rouge, a été vu près de nos côtes.
— Nous sommes toujours parvenus à nous en débarrasser. Vous parliez d'un véritable danger et pour que cela inquiète des géants, je m'attendais à quelque chose de terrible. Parlez franchement.
J'étais agréablement surpris du sérieux qu'instaurait le roi dans cette conversation. C'était cela que j'attendais de sa part. Je jetai un coup d'œil à Egbert et Noortje et les deux acquiescèrent, alors je me lançai.
— Le capitaine de l'Oiseau Rouge, Rouge-gorge, a possédé l'île libre. Elle répond désormais au nom de Libertalia, l'île des pirates. C'est leur repère. On y trouve tous les équipages qui s'y font un nom et tous ceux qui se lancent, exposai-je. Ils ne sont affiliés à aucun royaume.
— Comment survivent-ils ? Ils ont besoin de vivres et l'île libre en était dépourvue. Ça n'est qu'un tas de roche tranchante où les navires s'écrasent.
— On dit que Rouge-gorge est un sorcier, qu'il a ouvert une route qui mène aux éclats rocheux. Des corsaires s'y sont infiltrés. Pour le peu qui en est sorti, la même chose est relatée.
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BJÖRSARION - LA TERRE DES GÉANTS (BL)
FantasyLes géants ont bonne mémoire. Ils se souviennent toujours des vieilles convoitises de leurs ancêtres, de tous ceux qui les ont précédés. Alors lorsque leurs yeux se posent sur les jusquiames noires, joyaux de la couronne humaine, leurs vieux désirs...