𝗖𝗵𝗮𝗽𝗶𝘁𝗿𝗲 𝟮 🀳

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Taehyung


La jeune femme semble terrifiée sur le cliché que l'on me glisse sous le nez. Elle serre ses genoux contre son ventre à l'aide de ses bras, dévêtus de ses manches. Ces dernières pendent le long de ses hanches, en dépit de sa position assise.

On dirait une enfant.

Encore plus avec ses cheveux coupés à la garçonne, qui lui cachent le haut du visage, et la rendent encore plus chétive.

« Bon, elle l'a été oui ou non ? Sans vouloir vous offenser, monsieur, j'ai autre chose à faire que...

— N'employez pas « sans vouloir vous offenser » si c'est pour ajouter quelque chose après qui va inévitablement faire tout le contraire. Sans vouloir vous offenser, bien sûr. »

Mon ton est cassant, tranchant, mais mes yeux eux, restent amorphes, ennuyés.

L'orphelinat sent le chien mouillé, la moisissure. Des champignons courent sur certains murs, le bois au sol est troué par endroit, tantôt à cause du temps, tantôt à cause d'un ou deux bambins qui auraient tapé du poing pour en percer la matière.

Les fenêtres sont sales, portant tour à tour des traces de doigts à l'intérieur, et à l'extérieur, des traces du temps maussade qui règne sur Liverpool en ce triste mois de novembre.

La bâtisse n'est pas isolée, ce qui me pousse à retirer mon manteau pour le faire passer à un jeune orphelin, d'à peine six ans, qui passe près de moi.

Il n'est vêtu que d'une robe de chambre en coton effilochée, et se recule brusquement quand je m'approche de lui.

Ses yeux apeurés, tels ceux d'une biche pris dans les phares d'une voiture, trouvent les miens, et en percent la profondeur, jusqu'à que je me détourne vers l'homme qui vient de s'adresser à ma personne.

Appuyé contre le mur, d'une couleur et d'un aspect dont je me méfie depuis que je suis entré, il fume un cigare, la cravate autour du cou desserrée.

Son costume est légèrement usé, mais d'un simple coup d'œil, il est aisé de constater qu'il en prend soin. Mieux que de ses pensionnaires, en tout cas.

Ses cheveux sont plaqués en arrière par un gel bon marché, et sa démarche exhibe le fait qu'il ne se prend pas pour n'importe qui.

Mais ça ne prend pas avec moi.

Non seulement parce qu'il n'y a pas grand monde qui m'impressionne, mais surtout, quand on est directeur et qu'on laisse l'une de ses filles se faire violer par trois autres pensionnaires, on n'a rien à essayer de prouver.

« Et donc, alors ? »

L'homme m'ignore. Il évite de croiser mon regard, mais sa mine renfrognée me fait comprendre qu'il ne se risquera pas à essayer de me presser à nouveau.

Je hausse une épaule désinvolte, referme ma poigne autour de la photographie, ainsi que de l'anse de la mallette que je tiens contre ma cuisse, et pivote à peine vers lui, sans esquisser la moindre expression.

« Alors quoi ? je réplique simplement, un sourcil tendu.

— Est-ce qu'elle a été...

— Oui, elle a été sexuellement agressée d'après son témoignage, que vous m'avez rapporté. Mais je ne peux rien affirmer sans l'examiner. »

Ma réponse directe, et sans filtre, le fait vaciller sur ses pieds.

Pauvre homme, à force de se tenir au sommet de ses richesses, il en oublie les immondices que peut causer l'être humain.

𝑀𝑢𝑟𝑑𝑒𝑟(𝘩)𝑒𝑟  〕  𝑡𝑎𝑒𝑔𝑔𝑢𝑘Où les histoires vivent. Découvrez maintenant