La protéger de lui

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Je me réveillai au beau milieu de la nuit alors qu'une pensée angoissante ne me quittait pas. Nous allions bientôt rentrer pour les vacances de Noël. Nous allions retrouver nos familles. Et nous allions le retrouver, lui. Il pourrait s'initier dans nos esprits autant qu'il le voudrait, et il saurait. Il saurait pour Granger. Il saurait qui elle était, et ce qu'elle était. Il aurait conscience de sa valeur, de sa valeur pour l'Ordre, pour Potter, et pour moi. Comment avais-je pu commettre une telle erreur sans l'anticiper au préalable ? Comment avais-je pu sincèrement me dire « et si je racontais ma vie à mes amis », sans songer une seule seconde que cela la mettrait elle en danger ? S'il savait, il la voudrait. Il la trouverait, et il lui ferait des choses que je n'osais même pas imaginer. Je sentis la nausée me gagner alors que je me redressai sur mon lit. Comment avais-je pu être aussi égoïste, au point de ne même pas réaliser le péril dans lequel je la mettais en ayant simplement raconté toutes ces choses à mes amis ? Comment avais-je pu oublier, pendant autant de temps, que nos esprits lui appartenaient, et que chaque pensée, chaque souvenir, chaque sentiment, était quelque chose qu'il pouvait s'approprier et utiliser ? Comment avais-je pu avoir le culot de supposer qu'il était encore possible pour moi de me confier à mes amis sur un tel sujet, sans songer aux conséquences pour elle ? Elle serait prise en chasse. Elle serait utilisée. Si elle n'était pas tuée immédiatement, elle serait gardée, torturée et utilisée pendant des années pour les renseignements qu'elle aurait certainement. Ou bien encore comme moyen de pression contre l'Ordre, et contre Potter. Je lui offrais son arme secrète sur un plateau d'argent, et je n'y avais même pas songé une seule seconde. Je l'avais condamnée. En racontant ce qu'il s'était passé entre nous à mes amis, je l'avais condamnée. Ma respiration se fit difficile. J'allais vomir. Je prenais une profonde inspiration et stoppais le fil de mes pensées. Non. Je ne laisserai rien de tout cela arriver. Nous étions en novembre. J'avais le temps. J'avais le temps de rectifier le tir. J'en étais largement capable. Si quelqu'un pouvait le faire, c'était moi. Je pouvais le faire. Je n'étais pas inquiet de ce qu'il pourrait trouver dans mon esprit, j'étais un excellent Occlumens. Ma mère m'y entraînait régulièrement depuis ma deuxième année à Poudlard, quand elle avait compris qu'il y avait un réel risque que le Seigneur des Ténèbres revienne un jour. Beaucoup pensaient que c'était mon père, le vrai guerrier. J'aurais tendance à dire que c'était plutôt ma mère. Elle avait fait en sorte que je sois capable de me protéger, et de protéger ceux que j'aimais. Elle m'avait appris à bloquer mon esprit, à bloquer mes souvenirs et à faire en sorte de pouvoir contrôler ce que je laissai voir à un Légilimens qui s'introduirait dans mon esprit. Elle avait également essayé d'apprendre à Theodore, et c'était là le plus gros problème. Elle n'avait jamais réussi.

Theodore était incapable de bloquer son esprit à qui que ce soit, tout simplement parce qu'il était incapable d'y rester lui-même. Dès que ma mère lui demandait de se concentrer alors qu'elle le pénétrait, Theodore partait, comme lorsqu'il était enfermé dans la cave de son père. Il dissociait. Il était là, mais il n'était plus là. Il était incapable de se concentrer sur son monde intérieur, parce qu'il n'en avait pas. Parce qu'il n'y avait rien auquel il arrivait à s'accrocher à l'intérieur de lui-même. Elle avait passé de longues heures à essayer, encore et encore, à lui apprendre à rester dans son esprit, à y faire le tri, à bloquer ses souvenirs, ses sentiments, à protéger tout cela à l'intérieur de lui. Mais dès qu'elle lui demandait de se concentrer sur son monde intérieur, il disparaissait quelque part à l'intérieur de son esprit, ou à l'extérieur, je ne le savais pas très bien, mais en tout cas il ne protégeait rien de ses souvenirs. Et ils étaient tous là, libres d'être inspectés d'aussi près que possible. Theodore était incapable de se protéger lui-même avec l'occlumencie, et je savais que c'était pour cela qu'il avait été incapable de ne plus aimer Pansy, quand il était parti s'enfermer dans sa cave pendant des jours après qu'elle ait annoncé qu'elle allait elle-aussi rejoindre les rangs. Il ne pouvait pas contrôler son esprit. Il en était tout simplement incapable. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était le fuir. Mais l'organiser, le contrôler, cela lui était inaccessible. Pourtant, il allait falloir trouver un moyen. Ma mère essayait depuis des années, sans succès, mais il fallait trouver un moyen. Theodore savait tout. Il savait absolument tout. J'avais à peine plus d'un mois pour faire de lui, et du reste de mes amis des Occlumens capables de duper le plus grand mage noir de tous les temps. La vie de Granger était en jeu. Je ne pouvais pas échouer. Ce n'était pas une option. Peut-être que cela changeait quelque chose, le fait que Theo soit désormais heureux avec Pansy. Peut-être que cela lui permettrait d'avoir plus amplement accès à ce qu'il se passait à l'intérieur de lui, sans avoir besoin de fuir absolument ce qu'il s'y trouvait. Peut-être que désormais, il serait capable de se confronter à ce qu'il se trouvait là, au fond de lui-même. J'acquiesçai à cette pensée. Oui, cela changerait certainement beaucoup de choses. Nous y arriverions. Il n'y avait pas d'autre option. Nous y arriverions. Je commencerai à les entraîner demain. Je trouverai des solutions concrètes qui me permettraient de lui apprendre, à lui en particulier, à protéger son esprit de la magie noire du Seigneur des Ténèbres. A protéger Granger de lui. Je tournai le visage vers mon réveil, et découvrait qu'il était 3 heures du matin, et que les grands yeux bleus de Theodore étaient rivés tout droit sur moi. Je sursautai et chuchotai en sa direction :

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