Quand Achille a déposé les armes

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Et soudain, je le sentis violemment. La sensation me submergea de toute son horreur, ne me laissant plus ne serait-ce que l'opportunité de respirer. Notre lien. L'urgence de sa vie. La montée d'horreur. Le désespoir. La mort. L'urgence pour sa vie. L'urgence pour sa vie qui s'éteignait. L'urgence pour mon âme qui se déchirait. L'urgence pour mon âme qui mourrait.

Mon corps tout entier se crispa et se figea alors que la douleur physique de mon âme qui se déchirait m'arracha un hurlement plaintif que je ne pus retenir en moi.

- Theo, chuchotai-je alors, mes yeux perdus dans le vide alors que ma mère me tenait toujours contre elle.

Elle se redressa vivement, alertée par la tonalité de ma voix et la terreur qu'elle y entendait. Oui, de la terreur. Il était en train de mourir. Plus encore que la fois où il avait été enfermé dans cette cave avec des Aurors. Je le sentais m'échapper, physiquement. Je le sentais périr, physiquement. Je le sentais quitter ce monde et me quitter, moi, déchirant mon âme en ce faisant.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda ma mère sur un ton pressant qui traduisait la panique qu'elle pouvait lire sur mon visage.

Je me levai soudainement du canapé. Je devais le retrouver, maintenant. A la seconde près. Je n'avais pas de temps, je n'avais pas de minute, je n'avais pas de seconde. C'était maintenant. Je pouvais sentir mon âme se déchirer physiquement en une douleur abominable au niveau de mon cœur. Et je n'avais pas le temps d'avoir mal. Maintenant.

Je transplanais trop rapidement pour me rendre compte que ma mère m'avait tenu. Tout le long du transplanage, je songeai de toutes mes forces « à la maison, à la maison, à la maison ». Ce n'était pas simplement dans le lieu en tant que tel que j'avais atterri, et qui représentait ma maison. Je n'avais pas simplement atterri dans le salon du manoir, ni même dans ma chambre. J'avais atterri dans la chambre de Theodore, ma mère à mes côtés. Parce que c'était lui, ma maison. Ce n'était pas un lieu. C'était lui.

Mon estomac se retourna lorsque je le vis et une violente nausée remonta dans mon diaphragme alors que je découvrais la pire chose que j'aurais pu voir un jour. Theodore était accroupi sur le sol de sa chambre, son uniforme noir toujours sur lui, sa gorge sèchement tranchée d'un trait net, le corps inanimé de Pansy reposant allongée à ses genoux. Son sang dégoulinait le long de sa gorge, venant tâcher la poitrine de Pansy goûte après goûte. Il leva les yeux vers moi. Ses magnifiques yeux bleus. Ils étaient remplis de désespoir, et lorsqu'ils se posèrent sur moi il me sembla que je leur infligeai-là la pire douleur qui puisse être, une nouvelle fois. Il n'avait pas voulu que je vois ça. Mon frère. Mon âme. Mon sang se glaça dans mes veines et comme si je n'habitais plus même mon propre corps, j'entendis au loin un hurlement déchirant qui sortit de moi alors que son corps s'écroula finalement face contre celui de Pansy.

Comme si la scène se passait au ralenti alors que je demeurai interdit un instant, flottant au-dessus de moi-même, je vis ma mère courir jusqu'aux deux corps morts qui se tenaient juste devant nos yeux. Elle tomba à genoux devant Theo dans un bruit sourd et l'attrapa par les épaules. L'intégralité de mon monde s'écroula quand elle releva le haut de son corps, et que je vis la quantité de sang qui avait tâchée sa gorge, son torse, et inondé la poitrine de Pansy qui gisait sous lui. Et ce fut soudainement la violence sans pareille de la douleur physique de mon âme qui se déchirait à l'intérieur de moi qui me ramena à mon propre corps, un hurlement criant la pire atrocité à laquelle je n'aurais jamais pu être confronté faisant vibrer jusqu'aux murs du manoir sortant de moi pour s'écraser sur lui. Parce que j'allais aller le chercher. Parce qu'il n'allait pas me laisser là. Parce qu'il ne pouvait pas me laisser là. Parce qu'où qu'il soit parti, j'allais aller le chercher. Parce qu'il était ma vie, mon âme et mon sang, et que sans lui je n'allais pas y arriver. Parce que sans lui je ne pourrais pas continuer. Mes jambes se mirent à courir jusqu'à eux et je me laissai tomber violemment aux pieds de Pansy. Je tirai son cadavre de la force de mes bras et la poussai alors que ma mère avait allongé Theodore sur le sol. Il était entre nous désormais, inconscient. Entre sa mère, et son frère. Et il n'avait pas le droit de nous faire ça. Il n'avait putain de pas le droit de nous faire ça. J'entendais mon hurlement raisonner encore dans les entrailles de cette chambre tâchée de son sang si pur, et alors que ma mère avait sorti sa baguette qu'elle dirigeait, tremblante, sur sa gorge, je ne contrôlais pas les sanglots dans ma voix quand j'hurlais en frappant son torse violemment de mes deux points fermés :

DollhouseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant