Famille

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Quasiment tout dans cette sixième rentrée à Poudlard était différent des précédentes, mais il existait bel et bien une constante dans ma vie qu'il semblait que même le Seigneur des Ténèbres ne pouvait ébranler, tout du moins pour l'instant : mes amis. Theodore Nott était mon plus vieil ami, je le connaissais depuis que j'étais assez âgé pour avoir des souvenirs. Son père était un Mangemort depuis aussi longtemps que le mien, aussi se rencontraient-ils souvent au manoir, laissant Nott et moi jouer et grandir ensemble pendant toutes ces années avant Poudlard. Je me souvenais de la première fois que je l'avais vu, ce petit garçon mystérieux. J'avais immédiatement remarqué ses grands yeux bleus, et la façon qu'il avait de tout observer autour de lui sans ne jamais rien dire, et sans jamais regarder quiconque dans le blanc des yeux. Je me rappelais m'être dit que c'était un garçon bizarre, au début. J'étais du genre à jouer et explorer tout ce qui se trouvait autour de moi, je n'hésitai pas à solliciter mes parents pour partager mes jeux avec eux, j'étais un gosse bruyant et jovial. En y repensant, lui aussi, de son côté, il devait me trouver bien bizarre comme petit garçon aux cheveux blancs et aux yeux argentés, hurlant et courant partout. Et puis nous avions appris à nous connaître, à partir de nos quatre ans. Petit à petit, il avait commencé à jouer avec moi, et puis il avait commencé à me répondre lorsque je lui parlais. Nos pères avaient beau tous deux être des Mangemorts, nos enfances n'avaient cependant rien de comparable.

La mère de Theo avait trouvé la mort en lui donnant naissance, ce que son père ne lui avait jamais pardonné, comme s'il en était responsable. Il s'était soudain retrouvé avec un petit garçon à élever seul, avec une colère en lui qu'il ne parvenait pas à refouler. Au plus grand malheur de Nott, il avait hérité des beaux yeux bleus de sa mère, ce qui horripilait son père. Depuis tout petit, Theo se faisait enfermer dans la cave de leur maison pendant plusieurs jours sans pouvoir en sortir, juste parce qu'il avait osé regarder son père dans les yeux. Aujourd'hui encore, il avait tendance à ne pas regarder les gens dans les yeux, hormis nous, sa famille. Je me rappelais lorsqu'il m'avait dit cela et l'image nette que j'avais à l'époque sous les yeux, gravée dans ma mémoire : Nott pas plus haut que quatre livres d'Histoire de la Magie empilés, assit sur ses fesses avec ses petites jambes croisées, la tête basse et ses cheveux noirs ondulés tombant sur son front pour cacher ses yeux, et sa petite main potelée qui tripotait nerveusement un de mes balais volants pour enfants. J'avais été horrifié par ce qu'il m'avait raconté. Mes parents étaient aimants et ils m'avaient toujours traité comme un véritable prince. Jusqu'à ce que Nott me raconte cela, d'enfant à enfant, je pensais que tous les petits garçons du monde étaient traités comme moi. J'avais alors compris pourquoi tout ce temps il observait tout autour de lui, attendant que ma mère s'énerve contre nous, où que mon père nous enferme dans une cave. Plus tard, il m'avait dit que lui aussi il avait le souvenir de moi courant et hurlant partout dans le manoir gravé dans la mémoire, et surtout, il avait gravé dans son âme la première fois qu'il avait vu la réaction de ma mère face au spectacle que j'offrais : elle avait ri. Pendant un moment Theo était resté sur ses gardes, puis à force de venir, à force de voir que ni moi, ni aucun de mes parents ne lui voulait du mal, il avait fini par comprendre qu'en fait c'était peut-être cela qui était normal. Si nos pères avaient des affaires importantes c'était ma mère qui nous gardait, et il pouvait ainsi passer plusieurs jours et plusieurs nuits d'affilé avec nous.

A l'époque, il m'avait demandé de ne pas dire à qui que ce soit ce que son père lui faisait subir chez eux, et j'avais respecté cela. Mais un jour, alors que nous approchions de nos six ans et de notre entrée à Poudlard, son père s'était énervé contre Theo chez nous parce qu'il avait cassé un vase appartenant à ma famille. J'avais encore l'image claire et nette de son père, qui me paraissait alors géant, s'approchant de Theo et moi à toute vitesse, le visage déformé par la colère. Je savais ce qui allait lui arriver, et je n'avais pu me retenir, alors que lui regardait fixement le sol, je m'étais élancé entre son père et lui et j'avais enlacé Theo de toutes mes forces. Son père s'était arrêté face à cette scène insolite, et ma mère avait compris alors qu'il se passait des choses grave chez les Nott. J'avais refusé de lâcher Theo pour qu'il reparte avec son père pendant près d'une heure durant laquelle je me rappelais sentir les larmes de ce dernier traverser mon t-shirt et rencontrer la peau de mon épaule. Plus je le sentais pleurer, plus je le serrai fort. Ma mère avait fini par s'excuser platement auprès du père de Nott, et lui avait menti en lui disant que j'avais des problèmes d'attachement et de caprices. Son père avait donc laissé Theo passer la nuit chez nous, et était rentré seul chez lui ce soir-là. A partir de ce moment-là, ma mère était devenue notre complice, et nous faisions en sorte que Theo passe autant de temps que possible avec nous, en faisant évidemment attention à ce que son père ne se doute pas que nous savions, nous étions conscients que cela entraînerait des conséquences horribles sur mon ami. Mon père n'était pas explicitement au courant, mais il n'était pas bête pour autant, et au fur et à mesure il avait arrêté de poser des questions pour savoir pourquoi ce garçon était toujours chez nous.

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